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Dimanche 6 juin
A Tana, avant le départ
Pour notre dernier jour, nous allons à la messe dans le quartier du Père Pedro, une immense cité populaire que ce prêtre a bâtie pour les pauvres de Tana (ceux qui jadis « faisaient les poubelles »).
La messe, qui dure pratiquement 3 heures, est extraordinaire, dans un hall omnisports comble. Il y a du spectacle : nombreux chants interprétés par plusieurs chorales, musiciens populaires (dont des accordéonistes) et diverses chorégraphies pour accompagner l’évangile ou le pain et le vin depuis le fond de l’église jusqu’à l’autel.
Des groupes d’enfants en costumes de couleurs différentes (ah, le charme des jupes froncées des gamines, comme dans notre enfance : une couleur par âge !) évoluent en chantant et dansant. Quand un chant est lancé, on a droit à au moins 20 couplets. C’est terriblement émouvant et impossible à rapprocher de nos liturgies frileuses.
Comme c’est aujourd’hui la fête des mères, les enfants ont confectionné à l’école des cartes-cadeaux qu’ils distribuent dans le public. Devant nous, un petit bout de +/- 3 ans danse déjà comme un pro dès que la musique se fait entendre. A la sortie, on donne nos médicaments inutilisés et un dernier paquet de vêtements.
Paul est un peu dérangé (eh oui, en fin de voyage, on fait moins attention !), et Christiane dîne seule au Saka, puis part avec Tô visiter, l’après-midi, le site royal de la colline bleue, Ambohimanga, berceau de la royauté unifiée de Mada.
Il y a très peu de monuments à visiter à Madagascar, que ce soient des palais, des églises, des musées, etc., tout ce qui fait la joie des touristes en Europe. En fait de monuments, il y a deux maisons : une en bois noir, celle du premier roi unificateur, qui a épousé une princesse de chacune des 12 collines entourant Tana, de manière à unifier ces mini-royaumes et contrôler le tout...
Cette maison est très rudimentaire (rien à voir avec le Louvre ou Versailles, à la même époque). En fait, c’est une case malgache traditionnelle, avec le lit au nord-est, le foyer au nord-ouest (tout cela est codifié de façon assez rigide, comme nous l’avaient expliqué nos deux guides au Rova), et quelques ustensiles sur des étagères.
A côté, la maison – en bois aussi, qui est le matériau des rois ; la pierre est celui des morts, la terre étant réservée aux simples sujets – avec terrasse peinte et ornée que Jean Laborde a fait construire pour sa maîtresse (?), la sanguinaire reine Ranavalona 1ère, belle-fille du premier roi.
On voit aussi le bain du roi et de la reine, piscine aujourd’hui crasseuse qui à l’époque était remplie quotidiennement par une cohorte de jeunes filles vierges, alors qu’elle ne servait effectivement qu’une fois par an : on pense au bain annuel du chef gaulois dans Astérix. Les murailles qui entourent le site sont faites de terre mêlée à du blanc d’oeuf : à l’époque, les oeufs servaient d’impôts, car les gens ne pouvaient pas les manger mais devaient les donner pour les constructions royales.
De même que les zébus, qui avaient une tache blanche sur le front, étaient sacrés et réservés au roi... Actuellement, on remarque que les Malgaches sont encore très attachés à leurs croyances : sacrifices d’animaux (qu’ils mangent, maintenant), divers fadis (interdits), bains dans les piscines crasseuses des rois et reines, etc. Tout cela coexiste avec la foi chrétienne amenée par les colons : par exemple, les convictions chrétiennes sincères de notre chauffeur ne l’empêchent pas de nous dire très sérieusement d’éviter de manger du porc un soir où on voudrait se baigner dans tel lac le lendemain.
En bref, une très belle visite par grand beau temps, au milieu de douces collines.
Le soir, dernier jeu de dominos avec Tô au bar du Sakamanga, puis souper avec lui comme invité-ami, cette fois, pas comme chauffeur.