2020

Mon 33ème séjour à Mahambo fut particulièrement bref. Alors qu'il était prévu du 11 au 26 mars, j'ai quitté ma maison malgache dès le lundi 16 mars. Mais il faut d'abord remonter le temps pour enchaîner sur ma dernière phrase de 2019. Flashback donc.
J'écrivais en juin 2019 que je ne savais pas quand je pourrais revenir à Mada, vu la grave maladie découverte chez mon épouse Christiane. Après des séances de chimiothérapie qui ont rendue possible l'opération de fin octobre (pas de métastases), le Dr Bertrand de l'hôpital universitaire de Mont-Godinne (Namur) a réussi la prouesse, en 10 heures d'intervention tout de même, de lui ôter les cellules malignes (vésicule et pancréas). Long séjour hospitalier, puis très longue convalescence. Encore actuellement, même si Christiane se porte bien, elle doit continuer une chimiothérapie par voie buccale, pour confirmer les résultats de l'opération chirurgicale. Malgré ses efforts, elle ne parvient pas encore, pour le moment du moins, à reprendre du poids alors qu'elle a quand même retrouvé un certain appétit pour la nourriture.
En février, comme le scanner de contrôle et les prises de sang étaient rassurants, elle m'a permis de retourner à Madagascar, pour faire la connaissance des nouveaux jeunes du campus Mitsinjo, et régler divers problèmes en relation avec ma maison, les familles parrainées, etc. J'ai alors acheté mon billet chez Air Austral pour le 10 mars.
Partir ou pas, alors qu'on était au début de la crise du coronavirus ? J'ai pris le risque, mais le président malgache a annoncé, quatre jours après mon arrivée, qu'il allait fermer les frontières du pays. Craignant ne pouvoir, dans ce cas-là, rentrer près de Christiane avant peut-être des mois (?), j'ai vivement pris un taxi-brousse pour la capitale Antananarivo - l'aéroport de Tamatave était déjà fermé - dès le lundi 16 mars. Mon voyage de retour a pris quatre jours, de maison à maison. Je dois reconnaître en outre avoir eu beaucoup de chance de trouver une place dans les deux avions nécessaires : Tana - La Réunion, puis La Réunion - Paris Charles de Gaulle. Entretemps, le confinement avait été décidé, en France le 17 puis en Belgique le lendemain.
Retour à présent sur ce bref séjour de quatre jours à Mahambo, du mercredi 11 au soir au lundi 16 mars à midi.

Le visa pour un mois

Comme d'habitude, c'est Gérard qui est venu m'attendre à la sortie de l'aéroport de Tamatave, en fin d'après-midi : les fonctionnaires de l'aéroport ont des masques et des gants (aïe !) ; le visa pour 30 jours est toujours à 115.000 ar., payables en deux fois : 30.000 ar. à un comptoir + 80.000 ar. à un autre, pour obtenir le timbre sur le passeport (photo), ce qui correspond à 30 euros. Le retard pris par l'avion venant de St-Denis conjugué au très mauvais état de la route (seuls, de petits morceaux ont été bétonnés), ne nous permettent pas d'atteindre ma maison avant 19h45'. Evidemment, il fait déjà nuit, mais ma gardienne Vavrina est à l'accueil avec sa fille Arliny, la maison bien propre et des bouquets de fleurs sur les tables. Fara m'a invité à venir souper à Ylang Ylang. Petite parenthèse pour souligner l'utilité du téléphone portable, celui de Gérard d'abord, puis le mien à partir du lendemain, avec une nouvelle carte Orange qui me servira à rester en contact permanent avec Christiane grâce à WhatsApp qui fonctionne parfaitement : il suffit de 30.000 ar. (= 7,50 €) pour disposer d'une connection internet de 2 Go pendant un mois, suffisante pour en plus relever ses mails et lire les journaux belgo-français. Quant à mon n° chez Airtel, il a été supprimé (pour cause de trop longue inutilisation) et je ne peux qu'être en colère, car il y avait encore du crédit sur ma carte SIM dont le n° était très facile à retenir !

A Ylang Ylang, j'ai la chance de rencontrer le nouveau maire du village: il s'appelle Doudou. Fara l'a déjà mis au parfum pour ce qui est du campus Mitsinjo, et il propose en outre de venir me rendre visite à Olatra le samedi après-midi.
La chaleur est moite et… il pleut beaucoup. Tant et si bien que je devrai plusieurs fois renoncer à partir à la plage. Par contre, pas de problème pour le petit déjeuner du mercredi matin: Gérard m'a acheté deux pains et du beurre en faisant ses courses à Tamatave. Pas de problème pour l'eau potable : Fara en a prévu deux bidons de 20 L en provenance de Fénérive. Malheureusement, je ne pourrai tirer profit de mon installation électrique, et donc du frigo, qu'à partir du samedi après-midi.
Après les indispensables courses au marché et chez Dimla pour les achats de tout ce qui est nécessaire, du riz au sucre, en passant par l'huile, les épices, les oeufs, des fruits et légumes, viande et poisson, spaghetti, soupes chinoises,… je file au campus pour rencontrer les anciens et les nouveaux élèves. Vola, la fille de la gardienne Amélie, demande déjà… le cinéma le soir. L'après-midi, premières démarches pour Arliny, la fille de Vavrina, qui ne s'est plus présentée à l'école depuis plus d'un mois. Le directeur de l'école la Rénovée accepte de lui donner une seconde chance. Puis, c'est le moment de mon premier bain chez Vero, en repassant chez Raoul, bien sûr. Le soir dans mon living, cinéma pour les jeunes avec la première partie de "La reine des neiges": Vola jubile !

Cinéma le soir à Olatra, avec Fara en robe claire

Dès le vendredi de grand matin, les visites se succèden t: des seniors viennent demander des lunettes de lecture ; Alphonsine et Maeronna passent dire bonjour et… voir si j'ai apporté des vêtements, ce qui est le cas. A midi, au campus, on reprend l'histoire du film d'hier, pour un exercice de compréhension du français. Gérard a invité chez lui à Ambatomalama, avec moi, Fara et Faly, Raoul et Santa. Nous sommes reçus princièrement, avec champagne, camarons, filet de zébu, fromages, desserts, vin blanc et rouge, et puis whisky, car c'est la passion de notre hôte. Jimmy, son cuisinier, parade avec le tablier amené de Belgique.

Notre hôte Gérard nous reçoit princièrement : à votre santé !
Christiane a essayé, avant mon départ, le tablier destiné à Jimmy

Raoul, Santa et Fara

J'aurai encore le temps de voir les familles de Zoë, Josiane et Toltra, Jean-Claude, la famille de Sahamalana arrivée le dimanche matin en même temps que plusieurs parents des jeunes du campus, chargés de cadeaux (bananes, avocats, grenadelles). C'est à ce moment-là que Gérard puis Emile de Foulpointe m'annoncent la décision d'Andry Rajoelina, le président malgache : à partir du jeudi à minuit, le pays sera fermé pour un mois minimum… Il faut partir dès le lundi, en taxi-brousse qui rejoint Fénérive à la capitale en… 14 heures ! La traditionnelle baignade du dimanche après-midi, avec les jeunes de Mitsinjo, ne pourra même pas avoir lieu : Anathalicia et Joséphat sont venus me chercher, mais on doit rebrousser chemin, tant il pleut. Pour le cinéma le soir, la batterie du petit videoprojecteur ne tiendra qu'une demi-heure : je n'ai pu la recharger à cause du manque de soleil. Je dois déjà leur dire au revoir, car demain sera jour de bagages ; Fara leur explique en malgache pourquoi je dois quitter comme un voleur, suite à la crise causée par le coronavirus.

Le retour jusque Neufchâteau fut un calvaire, même si j'ai joué de chance pour avoir une place dans les avions. C'est à l'aéroport de Tana que ce fut le plus pénible, en faisant la queue interminablement devant le comptoir de Air Austral. Au moment où je suis résigné à rester à Mada en attendant d'être rapatrié par le gouvernement belge, une employée de la compagnie aérienne me fait un petit signe : elle a une place disponible. Oserais-je penser que mon "charme naturel" joue encore, à mon âge ? Bah, puisque ça me fait plaisir…

Il faut déjà tout remballer... en catastrophe.

Les chauffeurs de taxi profitent de la situation tant qu'ils peuvent - c'est fini, maintenant, les touristes à exploiter ! - mais j'ai la chance de trouver un petit hôtel à 3 km de l'aéroport: l'hôtel Paradise ne paie pas de mine, mais les chambres sont bon marché et le petit déjeuner est royal, pour un prix dérisoire.

On ne s'arrête même pas à Tamatave... chez le bijoutier bon marché !
Pour 3 euros, c'est carrément royal !

Me voilà… en France ! Un coup de bol n'arrive jamais seul : alors que j'étais prévu pour le vol du lendemain soir, je tente ma chance avec opiniâtreté, car personne ne pourra m'aider à La Réunion, département français déjà confiné, et je ne pourrai pas dormir dans l'aéroport ; fonçant pour récupérer ma valise et rentrer dans la salle des départs, je me précipite au guichet d'Air Austral, où un gentil employé me dit qu'il reste une place pour le vol de ce mercredi soir. Au comptoir d'enregistrement, j'ai tout juste le temps de confier mon bagage, et je suis juste à temps dans la salle d'embarquement au moment où les premiers passagers sont déjà entrés dans l'avion…

Arrivé en gare de Libramont, à 10 km de chez moi, c'est une amie de ma femme qui vient me chercher avec sa voiture : elle porte masque et gants, et ne veut pas que je touche à main nue la poignée de son véhicule ! C'est là que je prends conscience du danger que je représente pour Christiane, après avoir bourlingué dans des aéroports bondés de gens de toutes nationalités. De mon plein gré, je me mets en quarantaine pour les quatorze jours recommandés par la faculté : ce n'est que le jeudi 2 avril que je pourrai faire un bisou à ma femme et me retrouver "simple confiné". Ce 33ème voyage à Mada, je m'en souviendrai longtemps !

On a eu le temps de faire les comptes ensemble : Fara est tout sourire, sans penser au confinement qu'elle devra vivre aussi dans quelques jours. C'est par Messenger que j'ai de ses nouvelles régulièrement, et par le site Moov.mg que je suis attentivement la situation à Madagascar

Sans doute n'ai-je pas eu le temps de faire plus de photos pour vous partager un séjour très court, trop court. Je n'imaginais pas devoir décamper en urgence. Ni que le confinement en Belgique ne me permettrait pas d'aller à la recherche des champignons de printemps, essentiellement les morilles et les mousserons. C'est ma petite fille Nina qui vous présente ici, sa belle trouvaille de... l'année dernière !

Elle est belle, hein papy !

*

Le mois de novembre était celui où, d’habitude, je remettais le cap sur Mahambo. Histoire de faire connaissance avec les anciens et les nouveaux élèves du campus-internat, et d’entretenir mes liens avec les familles et amis de là-bas. Cette année, un sinistre individu nommé covid-19, nous tient éloignés les uns des autres : pas d’avion pour rejoindre un pays dont les frontières sont toujours fermées depuis le 19 mars. Surtout que nos pays européens sont, pour le moment, parmi les "mauvais élèves de la classe"…

Tout d’abord, une bonne nouvelle : mes craintes de ravages possibles du virus, dans une région peu équipée d’un point de vue médical, ne se sont pas vérifiées. A peine plus de 240 morts pour un pays de 25 millions d’habitants, c’est dérisoire. Bien sûr, les « vieux » ne sont plus de ce monde à l’heure où les retraités chez nous sont encore en vie, ou alors ce sont des « coriaces », en meilleure forme et sans problèmes graves d’obésité, de diabète, de tension artérielle, etc. D’autre part, l’immunité des Malgaches est meilleure que la nôtre : ils n’ont pas été comme nous élevés dans l’obsession de l’hygiène et bourrés d’antibiotiques au moindre souci de santé… Enfin, ils sont souvent naturellement confinés « en brousse », sauf ceux qui habitent les grandes villes où le covid-19 a quand même davantage sévi. Bref, ils en sont bien sortis, mais continuent d’être prudents, craignant le retour d’étrangers porteurs du virus, et on les comprend.

Réconfortant : tous les élèves du campus ont réussi leur année scolaire 2019-2020. Ainsi en est-il pour Mandelah, Chryno, Jeancola et Rody.

Les quatre élèves de 3ème qui devaient représenter le BEPC : Rody, Mandelah, Jeancola et Chryno, au terrain de sports/foot de Mahambo

C’était à Fara de décider si elle acceptait de les garder au campus. Comme Anathalicia (prise en charge par Christiane et une amie), les triplées Serienne, Serianne et Sergine (que Fara souhaitait garder en raison des problèmes de santé de leur maman, décédée depuis lors), Mahéfa Jean (qui me l’avait demandé le 16 mars au matin) et Nicolas (que Fara a réaccepté aussi), ces 4 élèves peuvent rester : Fara les connaît bien et estime qu’elle ne risque pas de problèmes avec eux.

Anathalicia au puits du campus-internat
Des parents à Mitsinjo : on reconnaît, à droite, Juliette de Sahamalany, qui est venue présenter sa fille Cynthia

Les "anciens" sont Arnot, Eminah, et Ermine. C'est en septembre que les parents viennent présenter les jeunes. Pour rappel, quelques adultes vivent aussi sur le campus : la gardienne Amélie, maman de Vola, et la famille de Fano et Norosoa, ici devant leur cuisine aussi, au crépuscule avec leurs deux enfants Fandresina et Antonio.

Vola dans la cuisine d'Amélie
La famille de Norosoa et Fano, avec leurs deux enfants

De nouveaux élèves ont postulé : Esmina, Sedralahy, Judia, et peut-être d'autres dans les prochains jours.

Esmina et son papa
Sadralahy et sa maman
Judia
Lucia a eu un très beau bulletin en 6ème et passe en 5ème

Cette année, le gouvernement malgache prend en charge l’écolage des élèves des écoles publiques. On a donc pu, avec l’argent économisé, acheter du nouveau matériel, par exemple 7 nouveaux matelas.

Certains anciens matelas étaient vraiment à changer...
... mais on ne gaspille pas à Mada :
Fara et Norosoa sont capables d'en reconstituer certains avec des morceaux !
Les nouveaux seront bien plus confortables 🙂

Il faut bien sûr acheter tout le matériel scolaire nécessaire pour la rentrée, mais aussi des seaux, des bassins, des éponges, des moustiquaires, des ampoules, etc. Tout cela grâce à Fara et Gérard, dont le véhicule a servi pour le transport depuis Fénérive-Est.

La voiture de Gérard est bien pratique
Les seaux et les bassins sont prêts pour la distribution

C’est la jeep de Faly qui a fait le reste.

La jeep de Faly avec une remorque...
... pour les matériaux nécessaires au campus

Je dois rappeler que quelques élèves sont pris en charge par « Les amis de Labastide de Virac » (France), qui ont participé aux frais des réparations et améliorations nécessaires à Mitsinjo : toits, deux nouvelles douches, toilette déplaçable, curage du puits, clôture, peinture des portes en bleu, plantations pour l’embellissement du site. Ils en sont de nouveau vivement remerciés.

Réparation d'un toit avec du ravpounj
Nouvelle douche...
Curage du puits
... et WC déplaçable

Réparation des gaulettes de la clôture...
Les portes sont repeintes en bleu vif
... et travaux d'embellissement du site
La maisonnette a retrouvé son pimpant !

Mandelah a non seulement obtenu le BEPC, mais avec la meilleure cote de l’arrondissement : ce 25 octobre, le nouveau maire Doudou (dont j’avais fait la connaissance en mars), le représentant du directeur du CEG, le directeur de la Population étaient présents pour lui remettre l’écharpe de lauréat. Fara avait bien fait le choses, comme d’habitude : la foule se pressait autour des personnalités, la TV était présente, et la table-buffet sous le kiosque magnifiquement préparée. Mandelah a fièrement coupé le gâteau, et Fara, après la distribution du matériel aux enfants et aux jeunes, était fière de rappeler que cette aventure avait commencé il y a 8 ans déjà, à la rentrée scolaire 2013.

Avec le directeur de la population, au premier plan à droite
La TV malgache était là
... à l'ombre, sous le kiosque
Mandelah, le héros du jour...
Mr Henry (à droite) représentait le CEG
Le buffet attend le public...
Et c'est vraiment la fête aujourd'hui !
... a évidemment l'honneur de couper le gâteau
8 rentrées scolaires, déjà. A droite, les listes des élèves qui ont été hébergés

Conséquence de cette fête : la Ministre de la population débarquait quelques jours plus tard, le 29 octobre, en compagnie du directeur du CEG, Mr Soul. La Ministre voulait rencontrer chacun des jeunes hébergés pour connaître leur avis sur leurs conditions de vie au campus-internat.

La Ministre de la population au campus...
... pour rencontrer les jeunes

Gérard en a profité pour rappeler les objectifs de Mitsinjo et les conditions pour y être accueilli : il faut réussir à l'école !

Gérard, avec le maire de Mahambo à sa droite, rappelle à tous les objectifs de Mitsinjo