2023
On utilise "36" comme synonyme de "beaucoup, nombreux". Voir 36 chandelles, par exemple ! Ce 36 ème voyage à Madagascar a eu lieu du 9 au 31 mai. Pour la première fois, je n’aurai qu’une valise (vu les difficultés pour faire admettre une 2ème, malgré le bon du club Capricorne, en novembre 2022), et je pars donc en train depuis Libramont. A Bruxelles- midi, TGV vers Charles de Gaulle. Tout se passe bien jusque Tamatave où Gérard m’attend. Le visa est toujours à 115.000 ar., ce qui est plus intéressant, vu le taux de change, que les 35 euros demandés pour un mois de séjour. La route jusque Foulpointe est épouvantable, même en 4x4 : « Non, non, rien n’a changé, tout tout a empiré », sur l’air d’une chanson bien connue. Accueil par Vavrina, dans une maison impeccable, avec une table fleurie, et le bon repas qu’elle a préparé.
Flash back nécessaire.
En mars, Fara et Faly ont dû quitter Ylang Ylang. Pour qu’ils restent à Mahambo et puissent continuer à s’occuper de ma maison et du campus Mitsinjo, je leur ai proposé, dans un premier temps d’entreposer leurs meubles et effets chez moi.
Il leur fallait ensuite construire une nouvelle maison… sur le campus qui leur appartient puisque le terrain de 80 ares, pour rappel, a été mis au nom de Faly fin 2012 (voir à la fin du récit de mon 17ème séjour). En collaboration avec Gérard Bonizec pour le financement, les travaux démarrent de suite et ils entrent chez eux dès la fin du mois d’avril. Ma maison sera donc libre à mon arrivée le 10 mai.
Dès le premier soir de mon arrivée, j’ai l’occasion de présenter à Fara et Faly, après Gérard dans sa voiture pendant le trajet Tamatave-Mahambo, mon projet de « formation technico-professionnelle » : ils semblent conquis.
Je m’explique. Cette année, 7 élèves du campus présenteront le BAC à Fénérive. Pour ne pas abandonner ceux qui, ou bien n’obtiendront pas le BAC, ou bien l’obtiendront mais sans pouvoir ou vouloir continuer, je souhaite construire à Mitsinjo, près de la maison de Fara et Faly, un « atelier » où des hommes et femmes de métier partageraient leurs compétences, moyennant financement (par moi) de leurs heures de prestation. Dans des domaines comme la cuisine, la couture, la mécanique, l’électricité, le carrelage, etc. Des modules (1h ou 2h) récurrents seront proposés aux jeunes, qui pourront continuer à habiter dans les maisonnettes du campus. Bref, ce ne sera pas une école, pas de professeurs au sens traditionnel, pas de diplôme, donc pas de contrôle extérieur et le moins possible de frais inutiles. Objectif : acquérir une ou plusieurs compétences technico-professionnelles. On verra en août, quand les résultats du BAC seront connus. Dès le lendemain de mon arrivée, le projet est initié : dans le fond du terrain, une zone est défrichée et le bâtiment de 15 m x 4 m est bien avancé quand je quitte Mahambo à la fin du mois de mai. Une partie fermée sera destinée au matériel, le reste sera ouvert, mais couvert.
La nouvelle maison de Fara et Faly n’est qu’à quelques dizaines de mètres, et ceux-ci sont volontaires pour s’occuper activement du projet. La demande est faite pour raccorder le campus à l’électricité fournie par les installations de la société « Welight » (champ de panneaux photovoltaïques près de la mairie). A mon arrivée, j’étais moi-même raccordé, pour la première fois, à cette électricité collective. Le résultat m’a donné satisfaction : gardant mon kit panneau/batterie/convertisseur pour alimenter mon frigo/congélateur par temps ensoleillé, je peux switcher sur le réseau collectif payant dès que c’est nécessaire à cause du temps couvert ou pluvieux. Ici, le compteur n’est pas loué comme chez nous, mais acheté, et on prépaie le courant par téléphone !
Quelques autres nouvelles saillantes.
En janvier, les jeunes ont reçu la visite de Claudine et Noëlson, accompagnés de la soeur de ce dernier, Berthine, qui reviendra en mai me dire bonjour et échanger avec moi sur les possibilités de formations dans la région.
Lors de la visite de Berthine en mai, près de la structure du futur atelier, Faly a dans les bras une des deux adorables jumelles que lui et Fara hébergent, avec leur papa, depuis que la maman est décédée à la naissance des deux petites.
Clotilde, qui a obtenu son diplôme d’infirmière en 2022, a choisi en février d’aller s’installer à Antiatsiaka, en pleine brousse au nord-ouest de Fénérive. Il faut faire 20 km à pied pour atteindre ce gros village. En février, elle a demandé de l’aide pour acheter des médicaments afin de s’installer la-bas.
J’étais à peine arrivé que Pierrette, sa grand-mère, passait me donner de ses nouvelles, en apportant, en guise de cadeau,… un petit poulet vivant.
Après elle, mes amis et connaissances vont se succéder : Raoul pour m’inviter à rencontrer quatre dames belges qui sont ses clientes et voudraient visiter le campus ; le papa de Mandelah pour me donner des nouvelles de sa santé ; Marcelline, la grand-mère d’un petit Elio – j’apprendrai fin juin qu’il est décédé – vient demander, tous les 3 jours, du lait pour le bébé ; Paul, mon ancien gardien, souhaiterait que je prenne en charge, quand ils iront à l’école, ses deux petits, Stanislas et Katiana. OK ; Zoë est venue avec Mirinda, qui est un peu malade et a froid ; Arliny a besoin d’un parapluie pour aller à l’école ; Vavisoa, la grand-mère de Christiana et Augustino, demande du riz ; des dames âgées s’enquièrent si j’ai des lunettes de lecture : j’y ai pensé ! ; un monsieur, dont j’ignore le nom, passera trois fois me montrer sa main où manquent des phalanges et où les plaies réclament pansement et isobétadine…
C’est la période des agrumes, et je profite abondamment des corossols, des oranges et des mandarines, essentiellement pour des jus purs le matin au petit déjeuner. Il y a aussi des grenadelles et abondance d’avocats qui sont une « tuerie » ! Les bananes, elles, sont présentes toute l’année.
Comme à chaque séjour, le dimanche après-midi est consacré à une baignade avec les jeunes de Mitsinjo, tandis que les soirées sont vouées au cinéma : "Astérix et le secret de la potion magique", "Rio Bravo", un western avec John Wayne, "Le monde de Nemo", "Pinocchio" avec Tom Hanks, "Kung Fu Panda", et même un des plus vieux dessins animés de Walt Disney, l'histoire des "trois petits cochons". Le succès fait que j’ai dû racheter de nouveaux tabourets pour que tous puissent être assis.
Il pleut, il pleut… et ce n’est que l’après-midi du 3ème jour de mon arrivée que le soleil revient et que je peux enfin profiter d’une mer où il est possible de nager plutôt que de simplement se baigner. Ici, le temps peut changer très vite : il fait froid, venteux et gris couvert le matin, alors que l’après-midi le soleil tape. Par exemple, pour me rendre, à pied, à Mitsinjo pour une leçon de français de 12h à 13h. Les sujets sont très concrets et pratiques : apprendre à se présenter, du vocabulaire pour faire des achats au marché, citer des pays d’Afrique, les notions mathématiques de pourcentage et de moyenne, etc. On évoque aussi le film de la veille (histoire, personnages, actions principales).
Bref, très beau temps pendant les jours du milieu de mon séjour, beaucoup moins bon au début et à la fin, où je me suis vu obligé de… mettre un petit pull pour la première fois !
Quand les parents des élèves viennent dire bonjour et apportent des petits cadeaux (litchis "chevelus", qui sont en fait des ramboutans, oranges, avocat, ananas, ...), j’ai très à cœur de leur offrir du thé et un peu de chocolat belge : les chokotoffs de Côte d’or résistent bien à la chaleur tropicale. Comme je ne parle pas le malgache ni eux le français, le contact est certes chaleureux mais reste sommaire. Ce n'est qu'avec mes amis proches (Gérard, Fara et Faly, Raoul, Emile à Foulpointe) que j'ai l'occasion d'avoir des conversations enrichissantes et un partage peu banal sur les choses de la vie...
Que s'est-il passé depuis mon retour, sans problème, le 30 mai ? La maison "Marité et Marcel", où habite la famille de Norosoa, a dû être fortement réparée ; elle a maintenant de nouveau fière allure.
Les résultats des élèves en juin ne sont pas tous satisfaisants : 5 devront quitter les lieux pour laisser leur place à d’autres qu’on espère plus performants à l'école…
Fara loue à présent une petite boutique près le la pharmacie, en plein centre du village. Elle y vend surtout des articles pour la prochaine rentrée scolaire.
J'attends donc à présent, avec impatience, les résultats des 7 élèves qui ont présenté les épreuves du BAC à Fénérive, et de pouvoir retourner à Mahambo, sans doute en novembre.
*
Pendant les vacances d’été, nous avons été contactés par un couple, Jean-François et Geneviève BLEU. Ce sont deux membres des A.L.M., les Amis de La Bastide de Virac qui, depuis de nombreuses années, se sont pris d’affection pour Mahambo et ont décidé d’y aider des enfants (surtout malades et handicapés) et des jeunes, dont quelques élèves du campus Mitsinjo. Ils ont aussi construit des latrines et des puits. Flash back : un peu après la construction des dix premières maisonnettes (en 2013), deux couples de cette association ardéchoise avaient souhaité parrainer des maisonnettes supplémentaires, qui se sont appelées « Monique et Lucien » (les fondateurs des A.L.M.) et « Geneviève et Michel ». G. et J.-F. Bleu, qui habitent à quelques kilomètres de La Bastide de Virac, faisaient partie du groupe de huit que j’avais rencontré, au campus puis chez moi, en novembre 2022. Ils sont venus demander de venir avec moi, en apportant deux machines à coudre, car Geneviève pourrait participer à l’aventure de l’atelier construit en mai-juin. J.-F. se proposait de faire la recension des 64 puits construits par Faly pour leur association. C’est donc en leur compagnie que je suis parti une 37ème fois, du 13 novembre jusqu’au 7 décembre.
Après une nuit à l’hôtel La Véranda de Tamatave, obligatoire vu le changement d’horaire de l’avion venant de La Réunion, nous retrouvons mon ami Gérard tôt le matin, pour cingler vers ma maison après quelques courses au bazar bé et un passage chez Orange pour équiper nos téléphones portables. La route est toujours dans un état lamentable : l’élection présidentielle prévue le lendemain n’a pas été déterminante pour boucher les trous…
A Mitsinjo, je fais la connaissance des 6 nouveaux élèves de cette année : Geltho, Angelito, Leon chan, Sanirah, Florita et Anita.
La grande décision de ce séjour fut de construire une nouvelle maison sur le terrain du campus, pour Felana (la fille aînée de Fara et Faly) et son mari Elisé, à côté de l’atelier. Ce jeune couple, après une expérience d’un an de travail missionnaire, a en effet décidé de s’installer à Mahambo, ce qui me ravit, car je pense à assurer la continuité de mon projet. Les travaux commencent dès le lendemain.
Chaque jour a lieu, sur ma terrasse et dans le living même, un atelier « coupe-couture ». Pourquoi chez moi ? La société Welight, qui installe l’électricité, refuse d’équiper le campus d’un compteur, malgré les 37 personnes qui l’habitent, parce que la procédure stricte ne le permet pas : il ne peut y avoir plus de 80 mètres de distance par rapport au dernier bâtiment raccordé. Ma décision est vite prise : je vais équiper les lieux avec panneaux photovoltaïques, batteries et convertisseur. Ce sera plus cher au départ, mais plus économique ensuite. Pour la sécurité, ce matériel sera installé, dès qu’elle sera terminée, dans la maison de Felana et Elisé, qui se trouve toute proche de l’atelier.
Geneviève est un professeur infatigable, pendant que Jean-François va de puits en puits, en compagnie de Faly, pour faire ses relevés. Tout se passe bien, à part une petite chute de J.-F. en scooter, prévisible vu l’état des pistes de la commune de Mahambo. Pourtant, Geneviève ne se contente pas de donner cours de couture à des adultes (Fara, Vavrina, Norosoa, Amélie, Felana et Elisé) et des jeunes (notamment les triplées Sérienne, Sérianne et Sergine, qui sont en attente de représenter le BAC pour la 3ème fois). Elle prend en charge les soins à un bébé de deux mois, la toute petite Jovana, fort handicapée, qu’elle accompagnera avec sa maman à Fénérive puis à Tamatave, pour tenter de la soigner pour une hydrocéphalite.
Au campus, le midi, les élèves sont assidus aux petits cours de français, y compris Rody et Chryno, qui redoublent leur année de terminale au lycée. Le soir, le cinéma a toujours autant de succès dans mon living. Sur la RN5, le trafic des camions est incessant car c’est la campagne de litchis.
Une bonne nouvelle : Jean Cola, qui a obtenu son BAC, a réussi les examens d’entrée pour la section « Gestion et informatique » à l’Université de Fénérive. La rentrée aura lieu aux alentours du 10 janvier.
Quant à Mandelah, qui a réussi son BAC en même temps que Jean Cola (tous deux sans mention), Fara et moi sommes depuis longtemps sans nouvelles de lui. Soudain, il réapparaît. Comme il nous annonce qu’il veut s’inscrire à Tamatave, je décide que je l’aiderai éventuellement après sa première année, réussie bien sûr.
Il a fallu évidemment repenser l'aide envisageable pour les jeunes en fin de cursus secondaire : ceux qui ne réussissent pas le BAC ne pourront pas recommencer leur année de terminale pour le représenter une seconde fois, mais ils pourront rester sur le campus s'ils souhaitent acquérir une compétence manuelle (4 domaines organisables à l'atelier : couture et cuisine, petite menuiserie et toitures en ravinala) ; pour celles et ceux qui réussissent le BAC avec mention (ce qui n'était pas le cas cette année), j'envisagerai au cas par cas de les aider dans des études supérieures.
Pas mal d’enfants ont été grippés pendant ce séjour, d’où de nombreuses visites au dispensaire et à la pharmacie. Arliny, la fille de Vavrina, travaille bien à l'école privée Espérance, chez Mme Hollande. Elle rêve d'un vélo pour aller chaque jour à son école, qui n'est pas tout près. On retrouve le petit vélo pliant apporté il y a quelques années, et Faly le réhabilite... entre deux gros travaux à la maison en construction.
J’ai revu Clotilde, plutôt déçue de son séjour à Antsiatsiaka, où les gens « ne paient pas les médicaments », et elle envisage donc de revenir à Fénérive en 2024.
A l’aéroport de Tamatave, les tracasseries sont maximum, et je dois me forcer à donner un bakchich au douanier pour pouvoir garder mon poivre sauvage (voatsiperifery). Le contraste entre la température de la côte est de Mada et les 3° de Neufchâteau est terrible…