2016
Pour des raisons familiales, c'est en avril, plutôt qu'en mai comme d'habitude, que j'ai repris le chemin de Mahambo, avec le désir de "bouger" le moins possible, pour vivre un 25ème séjour plus détendu et essayer de conjurer au mieux mes problèmes respiratoires (asthme bronchique et toux débilitante). Bien m'en prit : ce fut le premier séjour sans le moindre souci de santé, pas même une petite tourista, aucune chute en scooter, pas de piqûre d'abeille ou de scolopendre, seulement quelques moustiques qui agacent les chevilles au crépuscule... Hélichryse, un baume d'Homeopharma, chaîne de magasins répandus à Mada, est souverain dans ces cas-là. Quant au rat qui perturbait la belle ordonnance de mon étagère de cuisine, il n'a pas résisté plus d'une heure au poison que m'a fourni Faly : retrouvé mort au pied de mon lit, c'est mon gardien Paul qui s'en est occupé 😉
Ma vie quotidienne à Mahambo a un aspect répétitif, sujet à redites qui pourraient lasser le lecteur : je pointerai donc seulement quelques aspects et événements plus saillants.
Une info à connaître : 25 euros sont actuellement demandés à l'arrivée pour un visa de 30 jours, alors que celui-ci était gratuit auparavant.
Par ailleurs, je communiquerai avec Christiane par SMS : ils ne coûtent que 0,10 € vers la Belgique.
Sachez aussi que maintenant il faut s'enregistrer chez les opérateurs (Airtel, Orange et Telma) pour toutes les cartes SIM de téléphone portable : les Américains, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ont obtenu cette mesure du gouvernement malgache... dommages collatéraux des odieux attentats qui frappent tant de pays dont le nôtre.
Il avait beaucoup plu avant mon arrivée et il fallait retrousser le short pour arriver au campus Mitsinjo par le chemin le plus court. Le scooter aussi n'aurait pu franchir certains creux des pistes envahies par l'eau, m'obligeant plus d'une fois à des détours. Evidemment, dans les canaux du jardin, le tarot (sonj en malgache) est à l'aise les pieds dans l'eau ; les hibiscus sont épanouis, au pied de la terrasse, pour accueillir les visiteurs, et le niaouli dans le jardin exhibe ses fleurs blanches odorantes : de la famille des eucalyptus, son écorce matelassée qui se délite est très curieuse mais permet de le reconnaître facilement. Un "oiseau de paradis" (Heliconia sp.), appelé là-bas balisier, a même franchi la haie du jardin d'Olatra...
C'est évidemment du temps qui convient aux champignons : j'en dénombre une dizaine dans la pelouse de Véro et Paul, sur les 50 mètres qui me séparent de la plage deux fois par jour.
Marguerite, ma gentille voisine, se fait également un plaisir de m'apporter ce qu'elle trouve près de chez elle : les grandes lépiotes (Chlorophyllum molybdites), à gauche, ne sont pas rares, car elles poussent aussi près de chez Etienne, le gardien de zébus et de la maison de Véro ; les Phallus indusiatus, à droite, sont curieux pour nous, mais fréquents à Mahambo.
Chaque jour, entre midi et treize heures, je mets le cap, à pied dans la chaleur de mi-journée, sur Mitsinjo, pour la leçon quotidienne de français-anglais, sous le kiosque, à l'aide du tableau.
Pas tous les jours, mais quand c'est possible pour moi (je leur signale en les quittant à midi), les 17 jeunes viennent à la maison vers 19h pour une séance de cinéma d'environ 45 minutes : un long métrage est donc projeté en deux fois, et je dois dire que personne ne rouspète quand je mets fin à la projection ; tous se lèvent et repartent au campus, dans le noir, en disant poliment bonsoir. Tout comme les enfants que j'ai plaisir à recevoir sur la table de la terrasse pendant la journée : vous l'avez déjà lu, mais leur sourire vaut un rappel.
Le dimanche après-midi, les élèves reviennent de chez leur famille ; rendez-vous leur est donné à la plage, pour une baignade ensemble : le léger flou de la photo n'empêche pas de voir leur entrain sur la piste qui mène à l'accès à la mer ; les garçons sont plus audacieux que les filles, moins habituées sans doute ; les triplées sont les plus craintives...
Etant donné que Tantely, le professeur qui était censé loger (gratuitement) au campus, est pratiquement toujours absent, il ne pouvait assumer le petit travail de surveillance des élèves qui lui était demandé : il comprend très bien qu'il vaut mieux qu'il nous quitte ; c'est Norosoa, Fano et leurs deux petits enfants qui prennent sa place dans la plus grande maison "Marité et Marcel". Les élèves sont les mêmes qu'en novembre 2015, sauf Alisca, dont Fara a dû se séparer. Enfin, un événement "heureux" a eu lieu dans la maisonnette "André" : une nouvelle habitante du campus a vu le jour peu avant mon arrivée, et nous accueillons donc la petite Antica au sein de la famille de Lydia (maman de Francelin et soeur de Claudis) et Etienne.
Lors de mon précédent voyage fin 2015, j'avais fait la connaissance du jeune pharmacien Michel, cousin de Santa, la femme de mon ami Raoul. Il m'annonce par téléphone qu'il aimerait venir passer 2-3 jours à Mahambo, "en vacances", avec sa fiancée Kanto. Ils logent à la maison et viennent à la plage avec moi.
D'autres visiteurs, plus traditionnels, viennent profiter des excellents repas que prépare Vavrina, la soeur de mon gardien Paul : la famille de Sahamalany en compagnie de Fara et Faly ; Raoul et Santa ; ma voisine Marguerite. Ou c'est Muriel, une copine de Vavrina, ou Veny et sa nièce Alphonsine, celle-ci enceinte de 7 mois... Je n'ai pas eu cette fois le plaisir de partager de bons moments avec Gérard d'Ambatomalama, car il était absent, en vacances.
Une mention spéciale pour la visite de Charlin, un des fils d'Etienne, le gardien de la maison de Véro qui m'accueille sur sa plage. Ce jeune directeur anime REAMA, une petite école privée à Antsikafoka, à quelques km seulement de Mahambo. Je suis allé leur rendre une visite-surprise : Charlin et les quatre jeunes professeurs m’ont fait très bonne impression, tout comme le site de l’école, en pleine nature, propre et même fleuri. Les élèves sont 111 (71 filles et 40 garçons), depuis la classe maternelle jusqu’à la 5ème du collège. L’écolage s'élève à 1,2 €/mois pour les plus petits, 1,5 €/mois pour les primaires, 1,8 €/mois pour les collégiens. Cela couvre le salaire des professeurs : moins de 40 €/mois chacun ! Charlin souhaiterait bien entendu un peu de soutien par des gens de chez nous… J’ai constaté que beaucoup d’élèves étaient assis par terre sur des nattes de bambous ; avec l'aide de l'un ou l'autre "mécène", il pourra en faire fabriquer une dizaine à l'occasion de mon retour en novembre. Il aimerait aussi avoir un point d’eau (un puits à creuser + une pompe à main) pour ne pas devoir aller la chercher à la rivière : voilà un autre projet envisagé pour rendre la vie de cette sympathique petite communauté moins pénible...
Le retour se passe sans problème, en passant par Tamatave : Titibah, la soeur de Santa, m'a réservé une place chez Cotisse (20.000 Ar. pour Tamatave-Tana) et j'ai l'occasion, après avoir logé chez elle, de faire un tour au grand bazar (bazar be en malgache) de la ville, très bien rénové. La vanille a triplé et est hors de prix (600.000 Ar./kg, c'est-à-dire 180 euros !) : la presse s'en fait l'écho, et ce produit-phare de Mada n'est même plus disponible à la boutique "de luxe" de l'aéroport...
La vanille, prisée pour les glaces et confiseries, a un goût amer pour les acheteurs : son prix a triplé en deux ans et sa qualité s’est dégradée, selon des experts qui pointent une récolte décevante à Madagascar, premier producteur mondial ; en cause aussi la spéculation et le blanchiment d’argent. Madagascar, île pauvre de l’océan Indien située au large du Mozambique, assure plus de 80% de la production mondiale. En 2014, le kilo de vanille à Madagascar se vendait environ 60 dollars, avant de passer à quelque 135 dollars en 2015, puis atteindre 220 dollars actuellement. La vanille est devenue tellement chère que dans certains supermarchés de la capitale Antananarivo, les gousses ne se trouvent pas au rayon épices mais près des caisses, pour dissuader les voleurs. (AFP du 08.05.16)
A Tana, je suis gentiment hébergé chez les parents de Kanto, la fiancée de Michel venue avec lui à Mahambo. Ils me véhiculent jusque l'aéroport où attend l'airbus habituel de Corsair. A Paris, mon ami René est absent, mais je retrouve ma petite voiture sagement garée le long du trottoir. Etait-il raisonnable de rentrer dans la foulée, pendant la nuit ? En tout cas, le soleil se lève quand j'arrive à la maison... Prochain séjour prévu en novembre, avec mon épouse Christiane cette fois.
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Juillet 2016 : notre fils Nicolas, son épouse Cécile et leurs 3 enfants (Julie, Antoine et Simon) ont choisi Madagascar comme lieu de vacances-découvertes. Nicolas m'avait accompagné, ainsi que notre autre fils, François, en mai 2015. Ceci, c'est une tout autre expédition : ils ont embauché Tô, le même chauffeur-guide que nous avions en 2004, mais avec une camionnette, car la vieille Peugeot 505, qui existe toujours (!) aurait été trop petite pour 6 personnes et tous leurs bagages. Comme nous, ils ont tout d'abord découvert avec plaisir la fameuse route RN7, qui s'étend sur près de 1.000 km entre Tana et Tuléar. Les paysages sont variés et de nombreux points d'intérêt touristique ponctuent tout le trajet. Comme nous aussi, ils ont pris ensuite la RN2 vers Andasibe, Tamatave et... Mahambo.
J'aurais été triste si mes petits-enfants n'avaient pas pu découvrir ma maison OLATRA et le "paradis" de leur papy ! En trois jours, ils n'ont évidemment pu que s'initier à quelques aspects de la vie de Mahambo, faire la connaissance de mes gardiens Paul et Vavrina, rencontrer mes amis Fara et Faly, Raoul et Gérard, qui les ont invités chez eux pour un repas.
Je suis content qu'ils aient eu l'occasion de faire visite au campus Mitsinjo, même en l'absence des élèves puisque c'était les grandes vacances, mais en y rencontrant quand même le mari de la gardienne, et les deux familles qui habitent sur le site, avec leurs enfants encore très petits.
La plage et le jeu de pétanque en face d'Ylang Ylang ont été aussi de bons moments pour toute la famille.
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Christiane était avec moi pour mon 26ème séjour à Mada. Elle n'avait pas encore vu la nouvelle maison reconstruite en plus solide après l'incendie accidentel de fin 2014 (voir journal-de-bord/2014).
Voici, en images souvent plus parlantes que les mots, le récit de ces trois semaines de novembre. Il faut d'abord signaler que le visa touristique de 30 jours maximum coûte actuellement, acheté à l'aéroport, 27 euros. La navette blanche est encore à 10.000 Ar. (3 euros) pour aller d'Ivato à Tana même. Le minibus de Cotisse à la gare routière d'Ambodivona ne coûte que 20.000 Ar. pour le trajet Tana - Tamatave. On part à l'heure, on est bien assis, mais il y a deux sérieux bémols : les mille virages de la route et, surtout, les clips incessants et assourdissants sur la TV (le chauffeur prétend qu'il a besoin de ce niveau sonore pour... ne pas s'endormir !). Nous prenons le Mercedes Sprinter de 20h30', pour arriver à Tamatave vers 4h30', un peu avant l'aube et le départ des premiers taxis-brousse à destination de Fénérive.
A chaque arrivée, je me demande quel problème "technique" nous devrons affronter, heureusement avec l'aide de l'ingénieux Faly qui ne les craint guère : la pompe du jardin ? le système électrique avec les panneaux/batteries/convertisseurs ? Le congélateur/frigo ? Le scooter ? De fait, le petit congélateur ne fonctionne plus, et doit donc être mis en réparation, mais il sera aussitôt remplacé par mes amis d'Ylang Ylang par un modèle vertical performant, qui nous donnera pleine satisfaction. La pompe a été réparée... mais mon gardien Paul a abandonné fin août son poste, sans préavis ! Heureusement, sa soeur Vavrina est bien présente et d'une efficacité remarquable. Quant au scooter bleu, Raoul m'annonce qu'il est hors service. Impossible de rester sans moyen de transport, pour aller, par plus de 30°, au marché, à la plage, etc. Il faut en racheter un "nouveau" (ce sont toujours des reconditionnés !) et c'est à Tamatave qu'il y a le plus de choix à prix correct.
Comme c'est la saison des litchis, on pense, Faly et moi, revenir avec un petit camion affrété par Fara pour ce commerce intense mais purement saisonnier. Un imprévu m'amène à prendre la décision de revenir au guidon de l'engin, en plein midi, avec une chemise à manches courtes et sans crème solaire, sur 100 km exactement : il faut 3h, c'est-à-dire à peu près le même temps que pour les taxis-brousse sans cesse ralentis par les trous de la route. Mes bras tout rouges me brûleront pendant tout le séjour ; heureusement, Faly connaît BIAFINE, qu'il me ramène de la petite pharmacie du village : cette lotion efficace me permettra d'adoucir le feu de mes avant-bras...
Même avec notre nouveau véhicule, les déplacements seront périlleux : la côte Est n'a pas reçu de pluie depuis longtemps et les canaux du jardin de ma maison sont à sec ! Les pistes sont donc très ensablées et difficiles à emprunter en scooter, surtout à deux.
Comme le gardien Paul m'a abandonné, il faut, selon Faly, en embaucher un autre qui sera essentiellement voué à la surveillance de nuit : il y a, semble-t-il, de plus en plus de délinquance dans la région (Christiane se fera d'ailleurs voler son appareil photo dans son sac, en plein coeur du marché de Fénérive !)... Faly me présente donc Nirina, un jeune homme de 24 ans, originaire d'Antsirabe et qui cherche du travail en plus du petit boulot qu'il a trouvé certains jours au Vanilla Café en tant que jardinier. Il dit manquer de tout et la première chose à faire est de lui donner à manger et de meubler son logement qui jouxte celui de Vavrina dans le jardin (lit/matelas/table/étagère/tabouret + équipement de cuisine). Le dimanche, il nous apparaît tout différent, avec une belle chemise et même une cravate : c'est pour se rendre à "L'assemblée de Dieu", dont il est fidèle adepte, y animant spirituellement un groupe d'enfants.
Dès le vendredi après-midi de notre arrivée, quelques élèves du campus sont là pour savoir si nous comptons aller avec eux nous baigner le dimanche en fin d'après-midi, quand ils reviennent de leur village. Rendez-vous est pris. Les premiers visiteurs arrivent dès le samedi ; Alphonsine vient présenter son petit garçon, né juste après mon départ en mai : Maeronna a déjà 6 mois et est en pleine forme. Les vêtements pour bébé font merveille...
Christiane prend plaisir à faire les courses au marché et à l'épicerie Dimla ; elle se plaît aussi sur la terrasse, toujours ombragée, et devient vite la complice de Vavrina en cuisine : partage de recettes, boulettes et frites à la belge, confitures de litchis (reçus en cadeau car il n'y en a qu'une dizaine sur l'arbre de mon jardin, encore trop jeune pour être chargé comme ceux des voisins), camarons frits, bananes (un demi-régime, provenant du jardin, pendait au dessus des escaliers à notre arrivée) flambées au rhum, rien que des bonnes choses. Pendant ce temps, Nirina est à la pompe et Arliny, la fille de Vavrina, sur la petite table de la terrasse, très appliquée au dessin et au coloriage.
Au campus, nous allons chaque midi faire une petite leçon de français/anglais. Les élèves sont... 25: il y a eu tant de demandes que Fara en a accepté le plus possible. C'est un grand maximum, car toutes les maisonnettes (12) sont occupées, y compris l'ex-bureau d'accueil. Sans oublier les 3 familles qui sont hébergées sur le site... et qui se sont encore agrandies depuis avril : un petit Stanislas est né de Chantal, la très jeune fille de Lydia. ce qui porte à 5 le nombre d'enfants tout petits, et à 7 le nombre d'adultes qui partagent la vie communautaire des élèves. On se croirait dans un petit village !
A ces 11 nouveaux pensionnaires de Mitsinjo il faut ajouter les 14 qui étaient déjà là pour l'année scolaire 2015-2016 : Angelot, Catherine, Claudis, Efania, Maurice, Olivier, Prisca, Rody, Ronaldo, Sandrina, Sergine, Seriane, Serienne et Sylvestre (voir journal-de-bord/2015).
Nous avons plaisir à recevoir les amis du coin : Emile de Foulpointe avec sa jeune compagne Adeline ; Raoul et Santa; Claudine et Noëlson arrivés de Tamatave, en compagnie de Bertine la sœur de Noëlson ; la famille de Juliette et Raymond de Sahamalany. Sans oublier, bien entendu, l'accueil toujours aussi chaleureux des fidèles Fara et Faly à Ylang Ylang : nous y rencontrons, juste avant leur départ, des représentants du groupe d'Ardéchois qui ont jumelé leur commune de Labastide de Virac avec Mahambo - voir journal-de-bord/2015 - et n'oublions pas Gérard d'Ambatomalama, l'ami breton indispensable pour la logistique.
Avec Raymond et Juliette, Christiane apprend à dépecer les énormes jaques (Artocarpus heterophyllus) qui pendent orgueilleusement au tronc de l'arbre de mon jardin. On utilisera les parties comestibles pour faire du rhum arrangé, au goût curieux, vraiment très original... L'ombre de cet arbre est bien agréable pour faire un peu de lessive, tout près l'escalier qui mène à la terrasse, enguirlandé (au sens propre !) par des bougainvilliers. Je dois avouer que je préfère encore pouponner...
Quelques autres moments forts du séjour. Dominique Bos nous reçoit à nouveau dans son jardin aux multiples essences tropicales (voir en 2015). On est toujours séduit par la rose de porcelaine (Nicolaia elatior, de la grande famille des "gingembres"), mais aussi par les Heliconia, ou encore une sorte de liseron sans nom mais d'une couleur fascinante...
Raoul nous présente le journaliste Alexandre Poussin, son épouse Sonia et leurs deux enfants, Philaé (12) et Ulysse (9) qui ont fait halte chez lui. Ils font le tour de Madagascar... à pied, avec une charrette tirée par 4 zébus où ils entreposent tout le matériel nécessaire pour filmer leurs aventures : vous pouvez faire leur connaissance en tapant "Madatrek" sur YouTube. C'est aussi grâce à Raoul que nous avons rencontré Eric Millet, qui élève 800 poules pondeuses non loin de Foulpointe ; enfin, Jean-Pierre Garbit, petit neveu d'un ancien gouverneur de la Grande Ile, nous ravit d'une conférence-débat-repas sur l'époque de la guerre 14-18 vécue par des Malagaches qui y ont participé au côté de la "mère patrie", la France. Etonnant et instructif. Et délicieux repas préparé par Santa.
Nos contacts avec les jeunes du campus Mitsinjo ont été réduits en raison de la 16ème fête de la francophonie, qui a eu lieu fin novembre à Tana : une nouvelle route y a été construite pour faciliter les déplacements des VIP (notamment le président français François Hollande) venus de tous les pays francophones. Conséquence inattendue : les écoles publiques ont congé pendant toute une semaine ! On a vraiment le sentiment que toute occasion de ne pas faire cours ou de faire la fête passe avant le souci éducatif des élèves - on aurait plutôt imaginé une semaine d'école où le français serait plus à l'honneur, avec, pourquoi pas, l'aide des vazaha francophones du coin. Nous avons donc du temps pour la visite de la petite école Reama à Antsikafoka (voir plus haut le compte rendu d'avril), et finaliser ma promesse de bancs supplémentaires et d'une pompe pour disposer d'eau près des bâtiments des classes. C'est l'occasion d'une petite leçon de français avec les plus âgés, élèves de 4ème. Trois élèves sortent manifestement du lot, osant poser des questions en français : Jodicaël voudrait devenir serveur de restaurant, Vanessa sage-femme, et Joanna journaliste... politique ! Nous sommes agréablement surpris et nous nous demandons s'il ne faudrait pas concentrer nos efforts d'aide aux jeunes pour de tels élèves qui semblent prometteurs. Bien sûr, on appelle cela de la méritocratie. Charlin, le jeune directeur, a déjà assemblé 9 nouveaux bancs avec les matériaux achetés ensemble à Fénérive dès notre arrivée, et il pense en réaliser encore autant avec les planches qui restent. Quant à la pompe, le puisatier amené sur place est sceptique : l'école se trouve sur une colline et il serait très difficile, dit-il, d'aller chercher le précieux liquide sans creuser énormément. Un autre puisatier pense que ce sera quand même possible dans les limites du budget prévu : l'argent est prêt et nous attendons des nouvelles...
Le samedi 19 novembre, c'était grande fête à Ambatomalama. Gérard avait décidé de fêter sa nouvelle maison en s'inscrivant dans la tradition malgache : tuer un zébu très tôt le matin, bénir le nouveau bâtiment, organiser un banquet avec les amis et les Malgaches qui ont travaillé à son projet. Il y a foule quand, juste avant midi, la cérémonie a lieu devant la maison, avec le Tangalamena (un ancien, sorte de prêtre du village) et le Fokontany (chef du village) : les longs discours sont précédés par un "Notre Père" et un "Je vous salue Marie". Il y a visite et bénédiction des principales pièces avec de l'eau, du rhum et du betcha betcha : plus doux que le rhum, c'est aussi une boisson plus légère, extraite de la canne à sucre. Les gens s'installent autour des grandes tables sous les arbres de la plage à quelques mètres de l'océan. La quantité de riz cuit est impressionnante, naturellement, et le zébu non consommé sera partagé entre les Malgaches qui ont mangé à même le sol, sur des nattes ou l'herbe.
La fin d'un séjour à Mahambo est toujours un peu agitée : il faut faire la recension de ce qui restera dans les deux coffres, en plus des bagages qui doivent être fin prêts pour le mercredi très tôt : c'est avec Gérard que nous partirons dès 7h à Tamatave pour monter dans le minibus Cotisse de 10h. A l'arrivée à Tana, nous retrouvons, comme à l'aller, le pharmacien Michel qui nous a réservé une chambre à l'hôtel Tiana, pour nous reposer avant les deux dernières étapes : les 11h d'avion jusque Paris, puis, après une nuit bienvenue chez l'ami René, les 4 h de voiture jusqu'à la maison... où nous arriverons le vendredi en début d'après-midi... la tête pleine de souvenirs.
Annick de Comarmond a obtenu le prix littéraire GEO du voyage extraordinaire, avec son roman "Loin sous les ravenales" , 2010, Ed. J'ai Lu n° 10454. Elle raconte l'histoire, très vraisemblable, d'une jeune femme qui a hérité inopinément d'une mine de graphite à Berano, non loin de Moramanga et donc près d'Andasibe (voir suivez-le-guide/andasibe). Elle y passera plus de 10 ans et je me suis régalé chaque fois qu'elle évoque des aspects de la vie et de la mentalité malgaches qui me sont familiers et me rappellent toutes sortes de souvenirs...
* Elle a d'abord dû affronter, pour obtenir les autorisations de reprendre l'exploitation de l'entreprise, l'administration d'un pays où les "papiers" et les "cachets" ont une importance inversement proportionnelle à la situation politique et économique :
"Il fallait tout d'abord régler les premières formalités administratives. Je commençai les démarches avec une belle énergie, mais les jours passèrent et il fallut me rendre à l'évidence : rien n'avançait... Chaque soir, je rentrais vidée sans la moindre énergie et sans avoir avancé d'un pas. Le responsable était parti quand j'arrivais, arrivait quand je partais pour un autre rendez-vous. Je le soupçonnais d'avoir un miroir sans tain quelque part, et de passer ses journées avec quelques collègues à se divertir à mes dépens. Dans un autre ministère, le fonctionnaire qui avait laissé sa veste sur le dossier de sa chaise à 8 heures pour bien montrer qu'il n'était pas absent, réussissait à la récupérer avant la fermeture des bureaux le soir sans que je ne me sois aperçue de rien et pourtant j'avais les yeux vissés sur cette chaise. Oui, c'était le pays de la sorcellerie, le pays des mirages, des hallucinations." (pp. 95-96)
* Elle évoque ici l'état des taxis à Tana, où les Renault 4L et les 2CV sont encore légion, toutes de couleur jaune paille :
"Hier, j'ai pris un taxi qui m'est apparu rapidement comme le plus redoutable de tous ceux que j'avais connus jusqu'à présent : il avait dû, dans une vie antérieure être un bateau, car il fallait trois tours de volant pour enfin amorcer une courbe et au moins quatre très rapides pour redresser la situation. La rouille, extrêmement vorace sur les embarcations, avait dévoré les bords des vitres, ainsi que le plancher ajourés comme de la dentelle. Le moteur hoquetait. Quant aux poignées intérieures, elles étaient cassées, si bien que je dépendais du chauffeur pour descendre." (p. 100)
* L'héroïne se rend vite compte qu'il est difficile, voire impossible, d'imaginer une relation égalitaire franche entre vazaha (blancs) et Malgaches :
"La terreur qu'inspirait le vazaha se mesurait aussi à la grossièreté des mensonges débités, du moins était-ce la conclusion à laquelle j'en étais arrivée. Chaque jour quasiment, je fus en bute à ce problème : les machines tombaient en panne simplement parce que l'utilisateur les avait regardées ; le travail était mal fait alors que tout le processus avait été scrupuleusement respecté - un vrai mystère - ; le marteau avait disparu sans doute parce que c'était un méchant marteau qui avait voulu mettre les ouvriers qui l'utilisaient dans l'embarras alors qu'il avait bien été reposé à sa place habituelle ; quant au tournevis de la meilleure qualité qui soit, il était retrouvé avec le bout émoussé alors qu'on s'en était simplement servi pour dévisser deux vis à peine serrées..." (p. 224)
* Elle essaie de sensibiliser ses ouvriers à l'hygiène, mais ils répugnent a utiliser les WC et douches qu'elle construit, car ce n'est pas dans leurs habitudes ; ici, une femme, dont l'accouchement ne s'est pas trop bien passé, a été retenue à l'infirmerie :
"En ouvrant la porte, l'odeur âcre du fatapera - brasero sur lequel on pose la marmite pour cuire le riz omniprésent - me sauta à la gorge. Les volets étaient mi-clos et la pièce baignait dans la pénombre. J'allumai donc le plafonnier : dans le lit, couverte de draps d'une propreté plus que douteuse, était allongée la femme qui venait d'accoucher ; dans ses bras, le bébé ; par terre, enveloppés dans des couvertures dont ils étaient en train de s'extraire, un homme, certainement le mari, une femme, sans doute une soeur, une belle-soeur ou une cousine et un enfant de cinq ans environ. Chaque mètre carré de la petite chambre me paraissait occupé. C'état sans compter le dessous du lit qui laissait encore une belle place qu'il aurait été stupide de négliger. J'en vis sortir une adolescente d'environ quatorze à quinze ans. Tout ce petit monde me regardait avec des yeux ronds. Au milieu de la pièce un fatapera fumait. Une marmite de riz cuisait et l'eau qui soulevait de temps à autre le couvercle allait mourir sur les braises dans un soupir bien caractéristique. Des écuelles étaient posées çà et là à même le sol constellé de grains de riz. Les murs, qui dans un passé tout proche avaient été blancs, étaient à présent couverts d'une pellicule de suie, et des traces de mains noirâtres étaient imprimées partout." (p. 258-259)
* Elle se pose LA question : pourquoi a-t-elle choisi ce coin perdu de brousse pour y "enterrer" sa jeunesse ?
"Il faut dire que toutes les raisons que j'avançais [pour "justifier" à sa mère sa décision de rester] étaient de vraies raisons, mais il existait autre chose qui m'attachait à Berano, autre chose qui défiait l'analyse et qui aujourd'hui encore m'échappe. Lorsqu'on a un coup de foudre pour un homme, on peut toujours énumérer à son entourage ses nombreuses qualités, mais cela ne donnera ni à soi ni aux autres la clef de l'alchimie compliquée qui a provoqué le coup de foudre. Et il en était de même pour Berano [j'écrirais... pour Mahambo]" (p. 272)
* Ici est finement analysée la psychologie des uns (les vazaha avec de jeunes Malgaches) et des autres (les filles qui les séduisent) :
"Jolies la plupart du temps, petites et minces, le cheveu raide et la bouche tartinée, les yeux insolents, elles étaient silencieuses et dociles dès qu'elles étaient en présence de "leur" vazaha (p. 278). On aurait juré qu'elles étaient timides et pudiques. Quand elles se retrouvaient entre elles en revanche, elles bavardaient à perdre haleine, s'échangeant des adresses de couturière et des recettes de produits de beauté, ricanant à perdre haleine des exploits sexuels de leurs victimes et les comparant. (...) pour ces filles-là, le vazaha était l'unique chance de sortir de la médiocrité dans laquelle elles vivaient. (...) Il y avait aussi quantité d'hommes mariés qui avaient des petites amies malgaches (...) Ces filles étaient la terreur des épouses vazaha car bon nombre d'entre elles réussissaient à séduire leurs maris au point qu'ils demandaient le divorce et se comportaient de manière tout à fait déraisonnable, comme s'ils étaient sous l'emprise d'un philtre d'amour. Ils oubliaient qu'ils avaient des enfants de leur épouse ; ils couvraient de cadeaux leur maîtresse; gobaient tout ce qu'elle leur disait ; ils achetaient des biens qu'ils mettaient à son nom ; ils envisageaient de se reproduire avec elle, y compris ceux qui avaient plus de soixante ans et étaient déjà grands-pères depuis longtemps. Quelquefois la fille objet de leur passion n'était même pas jolie. Elle n'avait pas la moindre culture, et certaines étaient carrément analphabètes. Les épouses vazaha n'y comprenaient rien. Humiliées d'avoir été trompées, puis abandonnées, pour "ça", elles puisaient un certain réconfort à l'idée que leur mari avaient été fanafodés [victimes d'un charme-poison, avec des plantes](...) les jeunes femmes dont je parle n'en avaient guère besoin pour rendre leur vazaha complètement dépendant d'elles. Il leur suffisait de sourire et d'approuver sans réserve tout ce que disait l'homme. Le mâle vazaha n'a plus l'habitude d'être écouté avec adoration, n'a plus l'habitude d'être admiré, n'a plus l'habitude d'être obéi. Sa femelle parle trop, rit fort, a une opinion sur tout, est cultivée, a un métier qui l'intéresse. Bref, elle est épuisante et terriblement exigeante. Elle trouve que sa chemise n'est pas assortie à sa cravate ; elle n'aime pas sa coupe de cheveux ; elle ne supporte pas qu'il exprime des opinions contraires aux siennes ; elle s'étonne qu'il n'ait jamais rien lu de Sartre ; elle est jalouse si elle le surprend en train d'admirer une autre fille. (...) Et lui ne rêve que de retour (...) au temps béni où elle dépendait complètement de lui. Les femmes malgaches en quête des faveurs des Européens, rouées et intelligentes, l'avaient vite compris et distribuaient largement adoration et gratitude. Leurs yeux en amande disaient : "Je suis faible et petite, je suis pauvre et je ne sais rien... protège-moi, toi l'homme fort ; nourris-moi, toi l'homme riche ; apprends-moi ce que tu sais, toi l'homme savant". (pp. 278-281)
* Le passage ci dessous fait évidemment penser à la cérémonie organisée par mon ami Gérard pour "pendre la crémaillère" de sa maison, comme expliqué ci-dessus :
"Le lendemain, Eugène me rappela le promesse que j'avais faite aux ouvriers : deux zébus leur seraient offerts en guise de bénédiction de la fin de la route - qui a été construite pour atteindre un autre gisement de graphite -. Je donnai l'argent à John pour qu'il aille acheter les bêtes. Il m'avertit que la cérémonie aurait lieu le mardi suivant, selon les instructions de l'astrologue. Les ouvriers me priaient de l'honorer de ma présence. (...) J'avais accepté bien des choses pour ne pas heurter les sensibilités, toutefois assister au sacrifice d'un animal était au-dessus de mes forces. (...) Une autre clameur monta. Alors, je compris : le sacrifice commençait et tout le monde y assistait. (...) Pendant près d'une heure, j'entendis des cris de joie, des hurlements hystériques qui me rendirent à moitié folle." (pp. 337-338)