2013-1
Pour ce 18ème séjour, du 28 janvier au 21 février, Christiane et notre fille aînée, Laurence, sont du voyage.
L'année 2013 sera marquée par la mise en route du projet que j'avais échafaudé fin 2012 : après avoir acheté un terrain de près de 8.000m2, il fallait à présent l'utiliser en construisant les maisonnettes destinées à des élèves du CEG voisin de ma maison.
A mon départ le 18 février, j'ai pu prendre ces photos... qui méritent un fameux commentaire. Mais il faut commencer par le début de l'expédition...
Cherchant des dates de vol à bon prix, nous devons passer 3 jours à l'île de La Réunion : en effet, Corsair proposait, il y a quelques mois, un vol A/R Paris-St Denis à un peu moins de 600 euros, et Air Austral avait une promo à 250 euros A/R pour nous emmener de St-Denis à Tamatave... 3 jours après notre arrivée. On en profitera pour faire du tourisme, en chambre d'hôtes et avec une petite voiture de location, munie de l'air conditionné (ouf !).
Petite frayeur, à Orly quand on nous annonce qu'on ne peut avoir qu'un seul bagage en soute, de 23 kg maximum. Heureusement qu'on est 3 et qu'on peut répartir dans les valises... Un seul bagage à main aussi ! A notre arrivée le mardi 29 février, on nous prévient, au comptoir d'Air Austral, qu'un méchant cyclone est annoncé et qu'il est peu probable que nous puissions embarquer le vendredi. Jouant de chance, nous pourrons quand même faire quelques visites le mardi (cascade Maniquet à 800 m d'altitude, où il fait donc bien plus "frais" qu'à la côte) et le mercredi au fil de la côte ouest "sous le vent". La houle est déjà forte, les vagues passent au-dessus de la digue de la voie express et s'écrasent sur le pare-brise : nous apprendrons par la radio qu'elle sera fermée peu après notre passage, ne laissant disponible que la route dite "de la montagne" !
A St-Gilles-les-Bains (commune de St-Paul), visite agréable du cimetière marin, ses frangipaniers et la tombe du poète Leconte de Lisle. Arrêt tout aussi agréable à la belle plage de l'Hermitage, ombragée par de grands filaos, tandis que les indigènes se précipitent vers les magasins pour faire provision d'eau capsulée et de bougies, en prévision du cyclone annoncé ! Au Jardin d'Eden, qui se trouve tout près, l'initiation à la botanique locale est fabuleuse : très bien entretenu, il est riche de plantes tropicales et Laurence a même l'occasion de voir son premier caméléon. Ces bons moments, encore ensoleillés, précèdent tout juste des pluies diluviennes qui ne cesseront guère pour le reste de notre séjour dans l'île Bourbon, où on n'est dépaysé que par la nature, car les routes et l'habitat font très "France" : la circulation est dense, les routes sont excellentes et... le coût de la vie impressionnant (50% de plus qu'en métropole, comme on dit ici). En empruntant la N3 qui va de St-Pierre à St-Benoît et traverse toute l'île, nous arrivons au gîte "Le Rosier", à Pont d'Yves. Nos hôtes sont charmants, la chambre triple est immense et impeccable ; Elisemay et Jean-Marie font aussi table d'hôte pour le repas du soir. Ici, la température est bien plus fraîche qu'au niveau de la mer. Il pleut toute la nuit et la TV annonce que l'aéroport de Tamatave est fermé. Aïe !
En fait, le cyclone passera entre La Réunion et Madagascar et nous pourrons, en profitant de courtes accalmies de la pluie battante, faire tout le tour de l'île : le Sud Sauvage est le plus beau, du côté des roches basaltiques de Manapany-les-Bains, du Cap Méchant, et des coulées de lave de la côte est. On profite de la moindre accalmie pour vite descendre de voiture, par exemple près de la "Vierge au parasol", où on peut voir les premiers recolonisateurs de la lave refroidie, en l'occurrence des lichens, donc... des champignons ! Retour par St-Benoît et la plaine des Palmistes puis celle des Cafres au milieu de trombes d'eau qui ont provoqué un éboulement sur la chaussée : il faut que les gentils patrons du gîte viennent nous chercher avec leur 4x4 pour nous permettre de rentrer à bon port...
Heureusement, le vendredi matin, la liaison aérienne vers Tamatave est rétablie et nous y arrivons à l'heure prévue avec Air Austral, attendus par Andréa, la sympathique policière de l'aéroport avec laquelle j'avais fait connaissance en novembre dernier. Elle nous a trouvé un taxi-brousse qui nous dépose, 3 heures après quand même, vu l'état catastrophique de la RN5 entre Tamatave et Foulpointe, à OLATRA de Mahambo : il est 20h, et il fait noir quand nous sommes accueillis, avec un souper langoustes (!) par Fara et Faly, mais aussi par Paul le gardien et toute sa famille.
La nuit du vendredi au samedi fut si chaude qu'on n'a pas le courage de se lever très tôt. Pendant que Christiane s'active au rangement des bagages, je pars avec Laurence, en taxi-brousse, chercher le scooter laissé début décembre chez l'ami Emile de Foulpointe. Achat de colliers sur la plage, puis on est pressés de rentrer à Mahambo pour la première baignade aux Orchidées. Fred et Mavo ont quitté les lieux et il n'y a plus de gérant, mais on peut accéder à la plage avec l'accord du gardien de la propriétaire qui habite en France. Premières courses au village, apéro THB à Ylang Ylang, souper à la maison avec des côtes de porc du marché. Les journées ont vite leur rituel, notamment le petit déjeuner sur la terrasse après le bain matinal.
Le dimanche, c'est un peu différent : j'aime m'associer, ne fût-ce que quelques minutes (il fait si chaud sous les tôles des toits que c'est trop dur pour moi) à la population locale qui passe une bonne partie de la matinée (quand ce n'est pas de toute la journée pour les sectes !) dans les églises catholique et protestante. Je vais volontiers rendre visite aux familles amies et leur porter huile et sucre comme petit cadeau dominical. Nous dînons au Vanilla Café, qui propose une cuisine de qualité à prix très abordable, puis partons visiter le campus MITSINJO avec Fara et Faly.
Bonne surprise : le terrain acheté fin 2012 a déjà été défriché et de nombreuses plantations ont été initiées par Fara et Faly et leur équipe ; du riz a même été planté dans la zone humide qui borde le chemin municipal, des rangées de manioc dépassent de sortes de taupinières, des arbres fruitiers (litchis, orangers, avocats, etc.) et ornementaux (flamboyants), mais aussi des plantes et fleurs (Allamanda, cannelle, ananas,...) côtoient les eucalyptus, les goyaves rouges laissés en place et le bel anacardier qui donnera des noix de cajou et surtout de l'ombre... Il ne reste qu'à semer des graines potagères pour essayer de faire pousser des légumes (tomates, carottes, courgettes,...) qui profiteront aux futurs élèves-internes. C'est enthousiasmant, puisque Faly me dit qu'il est prêt à commander les matériaux nécessaires à la construction des premières maisonnettes ! Il ne manque que l'argent... que j'ai bien sûr apporté, avec l'aide d'amis-vazaha-sponsors, dont le nom ornera le fronton des maisons.
En attendant, mon principal objectif est évidemment de rendre le plus agréable possible le séjour de Christiane et surtout de Laurence, qui a tout à découvrir. L'apprivoisement des lieux, du scooter - dont Laurence est vite devenue accro - et surtout des gens qui constituent ma grande "famille malgache" se fait au fil des jours. Ainsi, un jour elles découvriront avec moi Fénérive et son pittoresque marché local ; un autre jour, elles s'élanceront, avec le scooter, vers Antsikafoka puis sur la route vers Vavatenina, qui réserve de beaux points de vue et longe par endroits la rivière torrentueuse à cause des rochers qu'elle érode.
Elles iront aussi, en compagnie de Fara, cette fois en taxi-brousse, à Tamatave, notamment au Bazar bé, qui est tout de même une curiosité qui vaut le détour !
Un des meilleurs moments de chaque journée est, je le redis, le petit déjeuner sur la terrasse, à trois ou en compagnie de l'un(e) ou l'autre qui est passé dire bonjour... Parfois, c'est à midi que notre table accueille, avec une surprise au dessert, du chocolat pour les Malgaches, ou en entrée comme ici, surprise cette fois pour nous, avec des larves de guêpes achetées par Fara à des enfants "dénicheurs" (ils le font aussi, c'est bien triste, pour les petits des oiseaux appelés martins !) et qu'elle extirpe de leurs logettes sous les yeux tout ronds de Laurence : frits à la poêle, ces espèces de gros asticots - très recherchés à La Réunion : on m'a parlé de 130 euros le kilo pour ce "mets de luxe" - ont à peu près le même goût que des chips... Qui a dit que les insectes étaient l'avenir alimentaire de la planète ?
Déjà présente fin 2012, la "rano tsara" (eau potable), disponible derrière la mairie, est une véritable bénédiction : 2.500 Fmg pour 20 litres, c'est bien moins cher qu'un seul litre d'Eau Vive, et elle a même meilleur goût. Nous la buvons sans aucun problème pour nos fragiles intestins de vazaha.
Le samedi précédant le retour au pays de Christiane et Laurence, Fara a décidé d'organiser une grande fête à midi, dans la pelouse d'Ylang Ylang, avec toutes les familles-amies. On est donc plus de 20 pour les plats de crudités, de légumes sautés, et les... 8 poulets qui ont été sacrifiés pour le festin bien arrosé. On reçoit des cadeaux : chapeau pour Paul, colliers et lambas pour les femmes, le tout dans une très bonne ambiance.
Boire un petit coup, c'est agréableLe dimanche, c'est la visite, maintenant traditionnelle, d'Emile de Foulpointe: c'est chez lui que mon nouveau scooter se repose quand je suis en Belgique ; si l'apéritif et le café se prennent à la maison, le repas proprement dit a lieu au Vanilla Café, accueillant pour nous quatre, et c'est très bon, pour un prix modéré.
Le lundi 11 février, il est déjà temps pour "mes" deux femmes de reprendre le taxi-brousse vers Tamatave, d'où elles s'envoleront pour La Réunion, puis Paris et la Belgique, avec la voiture laissée chez notre ami René.
Comme MITSINJO est en fait l'objectif majeur de mon séjour cette fois, c'est la raison pour laquelle j'ai décidé de rester ici une semaine de plus que Christiane et Laurence. Ces quelques jours seront bien occupés par les démarches et formalités nécessaires ; ainsi, il est temps de faire découvrir le campus à Mr Charles, le directeur du CEG, et au surveillant général. Comme il a beaucoup plu, ils doivent enlever chaussures et chaussettes pour traverser le gué et arriver sur le terrain où s'activent les ouvriers embauchés par Faly : on peut dire que, comme Christiane avant eux, ils "se mouillent" aussi pour le projet ! Ils sont ravis du lieu, si proche de l'école, et de l'état d'avancement des travaux.
La lettre à adresser aux autorités municipales est rédigée puis approuvée par Mr Charles. La voici :
L'autorisation de bâtir est officiellement accordée deux jours plus tard, le jour où est projeté le soir le superbe dessin animé "Madagascar", qui fait la joie des jeunes Malgaches ! Je devrais aussi mentionner les bons moments passés en compagnie de Raoul, sa compagne Santa et sa soeur Fify ; avec Gérard B. qui, après avoir roulé sa bosse dans divers pays exotiques, a décidé de se fixer ici : la fascination qu'exerce Madagascar sur les vazaha n'est pas un vain mot ! Après avoir visité le campus, il décidera de sponsoriser une maisonnette supplémentaire, qui recevra le nom de sa grand mère. Les matériaux arrivent régulièrement, en transit par la maison d'abord (pour éviter toute disparition, comme pour les outils, en l'absence d'un gardien), avant d'être portés à dos d'homme jusque Mitsinjo, au fur et à mesure des besoins de l'avancement du chantier : c'est un ballet incessant, qu'un peu de rhum en vrac stimule à l'occasion... C'est la fête annuelle de l'école au CEG voisin... et de nombreux enfants, voyant que je suis maintenant seul, sont à jouer (j'ai apporté des petites voitures du type dinky toys) et à colorier sur la terrasse : avant, ils pensaient qu'ils auraient dérangé !
La pluie s'est remise à tomber, parfois pendant toute la nuit, et la chaleur du jour n'en est que plus difficile à supporter, vu l'humidité qui s'élève du sol détrempé. De plus, les pistes sont devenues plus difficilement praticables, au point qu'il faille mettre pied à terre pour passer certains creux remplis d'eau, mais comment faire passer le scooter sans noyer le moteur ? C'est ainsi que je me suis méchamment blessé au pied en le poussant contre l'accotement, moteur allumé, pendant que je pataugeais dans l'eau : un mauvais geste et le petit véhicule bondit... et il ne s'agit pas de le lâcher ! Il me faudra longtemps, après mon retour, pour me débarrasser des plaies infectées de mes orteils...
Mon amie Nancia (voir 2012), à présent mariée, n'a pas supporté de rester en France... où elle avait froid ! Avec Rémi son mari, ils sont revenus à Mahambo, où ils ont acheté un terrain pour construire. Nous visitons nos chantiers respectifs ; c'est sur le chemin de sa maison que je rencontre un cousin à elle, tout récemment arrivé de Tamatave et... cherchant travail et logement : Anderssen et sa jeune épouse Angelina ont une petite fille de 14 mois. Ils acceptent d'être embauchés à l'essai en tant que gardiens de Mitsinjo, où il faudra leur construire une maison plus spacieuse que les maisonnettes destinées à accueillir les étudiants du CEG. En attendant, ils pourront être logés chez "Raymond", la première maisonnette terminée, et Andersen pourra aussi travailler avec Faly à la construction des autres... puisqu'il y en a une dizaine (au moins) de prévues.
Le lundi 18 février, dès 6h, je suis à Mitsinjo pour prendre les dernières photos avant mon départ, dans le 4x4 de Raoul, à 7h30', en direction de Tamatave. On prend également le scooter, qui est arrimé solidement à l'arrière du pickup et sera déchargé à Foulpointe chez Emile. Mes amis Fara et Faly sont là, de même que la famille de Françoise, et même l'un ou l'autre voisin : le moment du départ m'émeut chaque fois davantage, car je n'échappe pas à cette pensée sous forme de question : pourrai-je revenir, et quand ?
Le retour sera long, mais les trois jours (pour attendre le vol Corsair du 21 février) passés sur l'Ile de la Réunion, chez Anna et Jean Hurpin rencontrés en 2008 à la Pirogue, seront très agréables, pimentés d'excursions en leur compagnie dans les plus beaux endroits de l'île : cette fois, plus de cyclone comme à l'aller, et les paysages de ce qu'on appelait l'Ile Bourbon sont merveilleux : on se croirait sur la lune près du Pas de Bellecombe, un site en contraste total avec ceux du fabuleux cirque de Mafate, près du Maïdo. Et pique-niquer en montagne, sous les Tropiques, est une expérience très chouette.
Comme Anna est passionnée de botanique et collectionne les graines des végétaux, c'est un régal pour moi de partager avec elle mes questions sur une végétation qui me laisse la plupart du temps perplexe. Et on trouve même quelques champignons ! Grâce à Anna, je peux aussi trouver dans les librairies de St-Denis des livres de référence qui me permettront de progresser dans le domaine.
Le départ de St-Denis vers Paris est à temps et heure, mais ce voyage de retour ne sera pas facile... à cause du froid : air conditionné dans l'avion, bus, métros aux couloirs comme des frigos, quais de gare éventés à Paris puis Bruxelles ; le mauvais temps qui sévit sur la France et la Belgique - et durera cette année jusque fin mars - sera fatal à mon organisme bousculé par le passage brutal de + 35° à - 5° : il m'a fallu des semaines pour enrayer une méchante sinusite qui aurait eu besoin d'un peu de soleil pour mieux évoluer... Mais ai-je le droit de me plaindre, après un si beau voyage ?