2008-Suite
C'est donc en janvier 2008 (7ème voyage à Mada) que j'ai passé ma dernière nuit à La Pirogue et la première dans ma maison. Les démarches administratives nécessaires, à Tana chez le notaire, et à Fénérive à l'enregistrement et aux domaines, m'ont évidemment beaucoup occupé pendant ce séjour mémorable au cours duquel j'ai fêté mes 60 ans.
Il m'est cependant resté du temps pour Jeanne et Stéphanie, à La Pirogue où elles habitent une petite maison près des installations hôtelières, très près de la mer. On y commente les photos apportées comme à chaque voyage...
Excellentes retrouvailles aussi avec la famille de Juliette et Raymond à Sahamalany.
C'est toujours émouvant d'être au milieu des enfants de l'école d'Antsikafoka où sont les filles de Juliette et Raymond : cela vaut les bains de foule présidentiels !
A Tana, j'ai appris à quel point j'avais eu de la chance avec ces démarches pour rendre mon "achat" aussi officiel que possible, en conversant avec un des deux gardiens de nuit de l'hôtel Shangaï qui m'expliqua les difficultés qu'il rencontrait depuis longtemps avec les services administratifs à propos d'un minuscule terrain d'un are qu'il avait acheté en vue d'y construire une petite maison... Il est vrai que je devrai attendre février 2011 pour que tout soit en ordre pour les papiers de bornage chez moi. Heureusement, depuis ce mémorable mois de janvier 2008, j'ai toujours pu compter sur Fara et Faly pour veiller sur la maison et y faire les réparations nécessaires, régler le salaire du gardien, et plus généralement servir d'intermédiaires avec les Malgaches devenus mes amis. En rentrant vers Tana, je ne pouvais manquer de saluer ceux de l'association Mitsinjo à Andasibe.
C'est toujours un plaisir de revoir le personnel et les ouvriers du Feon'ny Ala, avant même les guides de Mitsinjo : Christin arrive dès le matin en m'amenant le vélo acheté pour rester à la bonne garde (et au bon usage) de l'association, où je retrouve également Rainer. Il y a des champignons, surtout du genre des lépiotes, et... je vois arriver, avec des clients, Michel, le frère jumeau de Tô, devenu lui aussi chauffeur au long cours.
Près de la gare habite Christin, le Président de l'association Mitsinjo, juste à côté de l'ancienne boutique encore pleine de souvenirs à vendre aux visiteurs.
Avec à nouveau pas mal de chance, je peux rejoindre Tana dans d'excellentes conditions de transport, à bord d'un gros camion et c'est bien agréable de pouvoir discuter de tout avec le chauffeur et le "patron" du camion : c'est dans ces circonstances, avec des Malgaches ayant leur franc parler, que je peux approfondir ma connaissance du pays et de ses habitants. Pour mon dernier soir à Tana, il pleut des cordes ; le voyage de retour, avec escale habituelle à l'île de La Réunion, se passe sans histoire, mais Dieu qu'il fait froid en Belgique !
C'est avec Christiane que je reviens à Mahambo en mai, pour un 8ème séjour à Mada. Plaisir de lui faire découvrir la maison achetée. Après une mini-halte à Andasibe - il faut dire qu'on est pressé d'arriver sur la côte - puis à Tamatave pour acheter un scooter, nous ne sommes pas au bout de nos peines, car le pont flottant, entre Tamatave et Foulpointe, a été emporté par une tempête et il faut passer à pied (les passagers des taxis-brousse changent de véhicule de l'autre côté de la rivière), sur des bambous ou en pirogue : c'est le baptême de l'eau pour notre petit véhicule rouge.
En montant les escaliers de la maison, je fais remarquer à Christiane qu'un gros boa (Sanzinia madagascariensis) s'en éloigne nonchalamment, en direction de la palissade du jardin : les Malgaches nous diront (pour nous rassurer ?) que c'est un heureux présage pour notre installation dans la maison...
La chambre a été bien équipée par Fara, avec une magnifique moustiquaire à baldaquin, et il y a des tentures à toutes les fenêtres ! A la plage, comme à La Pirogue et partout sur la côte, les effets du violent cyclone de février - qui a d'ailleurs emporté une partie du toit maintenant réparé - sont bien visibles : arbres cassés ou ravagés, notamment les arbres fruitiers qui mettront un certain temps à s'en remettre.
Nous avons aussi décidé d'aider Raymond de Sahamalany pour qu'il puisse se faire opérer d'une affection handicapante : il s'avérera qu'elle pourra avoir lieu à Fénérive plutôt qu'à Tamatave où nous croyions devoir aller... avec bien des difficultés vu la destruction du pont flottant ; c'est donc une bonne nouvelle, car nous n'avons pas la voiture (Tô l'a prudemment laissée à Tamatave), mais le scooter fera l'affaire pour des déplacements à deux. Il faut d'abord passer des visites préalables, chez le chirurgien et l'anesthésiste, faire des prises de sang pour des analyses, acheter tous les produits nécessaires à l'opération ; il faut aussi amener la literie du patient, la nourriture pour le malade et la famille qui l'accompagne, transporter l'opéré encore anesthésié du bloc opératoire à son lit ; c'est sa femme Juliette qui doit laver le linge souillé de sang à la pompe de la cour de l'hôpital, et il ne faut pas oublier le "cadeau" des docteurs ; bref, c'est un peu le parcours du combattant, mais on y est arrivé !
Jeanne et Stéphanie vont bien. Fara et Faly ont quitté La Pirogue et sont maintenant gérants de Ylang Ylang et des Orchidées. La baignade y est super, mais Christiane fait l'expérience d'un bain de soleil où elle est agressée par les mokafo : il s'agit de bestioles minuscules qui font de petites piqûres très désagréables, surtout si on se retrouve le lendemain couvert d'une sorte d'eczéma. Prudence, donc, sur le sable. Mieux vaut découvrir les merveilles de la botanique locale : arbres, plantes et fleurs très dépaysantes.
Parmi les excursions faites dans la région avec Christiane, il faut mentionner que nous avons dû retourner à Tamatave pour des faiblesses du "nouveau" scooter qui nécessitait déjà des réparations, mais plus particulièrement un mini-séjour sur l'île de Ste-Marie, toujours en scooter à deux. A Soanierano Ivongo, on embarque sur un bateau en compagnie de... deux cercueils.
L'île est très touristique et les prix le reflètent. Nous logeons à l'hôtel Libertalia, "les pieds dans l'eau", dans un cadre superbe, où le coucher de soleil est soufflant... Avec notre scooter, nous pouvons parcourir sans problème... la quinzaine de kilomètres de routes asphaltées et les pistes praticables, pour découvrir de jolis coins, y compris de l'autre côté de la côte. Evidemment, quand la piste, suite aux fortes pluies de saison, devient un véritable bourbier, il faut pousser le véhicule à la main, en passant par l'accotement, ce qui est moins gai : on devra recourir au karcher !
C'est une surprise de s'avancer dans la nature pour aller observer une fleur et de trouver, niché au coeur d'une végétation touffue, un cimetière de tombes serrées les unes contre les autres et équipées d'objets usuels ayant appartenu aux défunts.
Il est toujours très agréable de croiser des groupes d'enfants joyeux, partant ou revenant de l'école, dans le tablier de leur section, pieds nus. Ils sont souriants et disent bien bonjour aux vazaha... Nous faisons la traversée-retour dans de meilleures conditions, avec la vedette rapide "Tropicana" du Cap Ste-Marie qui relie l'île à la côte puis à Tamatave par un minibus de la compagnie. Sur le chemin du retour entre Soaniera Ivongo et Fénérive, la route croise un petit village dont les habitants en procession charrient la terre d'une "carrière" pour refaire la piste qui mène à leurs maisons : vu de la route qui surplombe la petite vallée où se trouve leur hameau, on a l'impression d'une colonne de fourmis laborieuses et solidaires...
La fin du séjour fut paisible et émaillée de divers petits travaux : nouvelle clenche de porte pour la chambre, peinture d'un vieux coffre reçu du patron de La Pirogue (il sera bien utile pendant plusieurs années !), accueil d'un couple de Malgaches rencontrés à Ste Marie et repas de fête avec Jeanne et Stéphanie, baignades régulières à la plage des Orchidées, courses diverses à Fénérive avec un taxi-brousse épique : il démarre en mettant deux fils en contact, on voit défiler l'asphalte sous nos pieds par les trous du plancher... mais il roule !
Le retour se fera par l'inévitable Tamatave puis en passant de nouveau deux jours à Andasibe pour mettre la dernière main au montage PowerPoint "Biodiversité d'Andasibe" pour l'association Mitsinjo.
Faire du stop réussit parfois : d'Andasibe à Tana nous avons profité d'un 4x4 dont l'impétueux conducteur roulait "comme un fou" : à chaque traversée de localité, je pensais que chez nous son permis de conduire lui serait enlevé sur le champ, mais pouvons-nous nous plaindre d'être arrivés bien tôt, pour le traditionnel souper chez Héry et Nary ?
C'est avec eux que nous partons en excursion vers leur région natale, en direction d'Ampéfy, vers l'ouest en quittant Tana. Une très belle journée, en passant par une zone où les Tapias (Uapaca) évoquent les torturés Faux de Verzy (en France, au sud-est de Reims), puis près d'un magnifique lac.
On a même l'occasion de se balader dans le parc d'un superbe hôtel chic du coin. Non loin d'Ampéfy, mais après 8 km de piste difficile quand même, un endroit étrange où surgissent de petits geysers d'eau chaude où on peut même faire trempette : la roche vivement colorée par les dépôts ferrugineux évoque la palette d'un artiste ; le long de la route, des tailleurs de pierre proposent divers objets sculptés, dont des animaux stylisés.
Beaucoup d'enfants sont curieux des vazaha qui viennent peu dans ce coin, alors qu'il le mériterait. Ce 8ème séjour malgache s'achèvera au crépuscule, au CEG Abdon d'Arivonimamo : quelques professeurs et la Directrice nous attendaient pour faire connaissance ; ce premier contact ne restera pas sans suite...
... puisque les échanges épistolaires, pédagogiques et amicaux, durent encore, depuis plus de 3 ans, entre les élèves de cette école et ceux de l'Institut St-Michel de Neufchâteau (Belgique) où Paul a passé toute sa carrière professionnelle d'enseignant. Héry a fait ses études dans ce collège dont elle déplore le délabrement actuel par rapport à la qualité de l'infrastructure qu'elle a connue, datant de la fin de l'époque coloniale française. Il y a pénurie d'équipements pédagogiques et c'est pour cela que l'association VOARA, présidée par Nary, souhaite un partenariat avec une école en Europe. Nous avons quitté les lieux un peu démoralisés, en voyant que tout est à faire... C'est bien sûr aux hommes politiques du pays de prendre les choses en mains, mais nous pouvons au moins, comme le formula ce jour-là le sous-directeur devenu directeur en 2011, les soutenir moralement : "Cela fait du bien de savoir qu'on s'intéresse à nous", nous confia-t-il avant notre départ... On a fait davantage... Il ne restait plus qu'à reprendre le chemin de la maison, en passant comme d'habitude par Paris-Orly où nous attendait le fidèle René devenu papy pendant notre voyage...
Fin 2008, je suis retourné seul à Mada, pour un bref 9ème séjour à Mada, de moins de deux semaines. Dès mon arrivée à Tana, Nary m'emmène au collège Abdon d'Arivonimamo pour y rencontrer plus à l'aise les professeurs et les élèves.
J'ai ainsi l'occasion de faire de nombreuses photos à ramener à Neufchâteau pour les montrer aux élèves belges qui vont correspondre avec leurs homologues malgaches. Rétrospectivement, je me rends compte que ce voyage-ci aura un thème : l'enseignement et les écoles. C'est en effet dès mon arrivée à Tamatave que je rencontre le professeur Eustache Miasa, de la section environnement (GRENE) de l'université, pour lui proposer de faire un exposé destiné à ses étudiants : sait-on jamais que l'un d'entre eux, que je pourrais aider même matériellement, souhaiterait étudier les champignons de son pays ? Il n'y aura malheureusement qu'une dizaine d'étudiants présents pour ma conférence illustrée de multiples photos, et je n'aurai plus de nouvelles par après, alors que j'avais laissé mes coordonnées... J'ai cependant eu l'occasion de partir en promenade avec le professeur Miasa, vers Foulpointe puis la route d'Andondabe, après une halte à la station forestière de l'université : le long de la RN5, elle est située en face d'un grand terrain jouxtant le canal des Pangalanes et "squatté" par un particulier qui l'a bardé de pancartes "interdiction d'entrer". Il y avait même des champignons dans la pelouse où Mr Basile, le sympathique gardien, nous a accueillis.
Je suis arrivé aussi avec toute une série de dossiers pédagogiques à photocopier pour les écoles de type "collège". Ainsi, celui de Mahambo qui me tient spécialement à coeur en tant que "voisin". Nathalie, de la famille de Fara, y était alors professeur de français ; à Fénérive, il est possible de faire des photocopies du dossier, destinées au CEG Abdon d'Arivonimamo et pour ce confiées à Nary. Comptez le nombre d'élèves dans la partie gauche de la classe (je n'ai pas pu photographier l'ensemble !) et vous aurez une idée du groupe qu'ils représentent...
Pour le reste, les journées sont bien remplies. Mon journal de bord quotidien mentionne: des "réparations " diverses, sur le plan médical (Nény est accablée par une sorte de "varicelle" très handicapante, qu'il faut soigner d'urgence ; Olga passe avec un doigt purulent) ou matériel (les batteries du scooter et de la maison, les verrous des volets, le joint de la pompe, etc.) ; l'accueil des visiteurs qui viennent dire bonjour ; les visites et démarches diverses : courses à Fénérive pour les familles de Jeanne et de Sahamalany, mais aussi pour une photocopie de mon bail emphythéotique, nécessaire pour déclarer Donald comme gardien officiel - il faut que je donne 10.000 Ar. "pour soutenir la formation des policiers municipaux" (sic).
Les démarches administratives pour arriver à faire borner mon terrain méritent un paragraphe particulier. Le plus facile est d'acheter des bornes officielles, grosses pierres taillées gravées aux initiales IF. Le plus difficile est d'obtenir le passage du géomètre - pour faire les relevés topographiques et planter les bornes (certains Malgaches attendent des années !) puis d'attendre qu'il réalise le plan d'implantation et qu'il daigne le transmettre au service des Domaines qui doit signer et avaliser le document... en présence de témoins officiels (chef du Fokontany et adjoint au maire). Je pressens que ce sera la galère. Je n'arrive pour cette fois qu'à acheter les bornes et à les stocker sous la maison... A suivre... en 2011 !
Une petite anecdote instructive : je suis à Tamatave, après ma conférence sur les champignons, un peu perdu dans cette ville trépidante. Avisant un policier à un carrefour, je me dirige vers lui, en scooter, pour demander la route vers le Bazar Be. Il me dévisage sans aménité et pointe son doigt vers mon crâne : "Où est votre casque?". Je sens de la main que... j'ai ma casquette plutôt que le casque : quand il fait très chaud, on oublie vite cet accessoire dit de sécurité ! Confiscation des papiers et ordre de payer l'amende prévue... au Bazar kely (petit), où se trouve le bureau de perception. On est vendredi soir : arriverai-je à temps... ou devrai-je attendre lundi pour récupérer mes papiers ? Horreur... mais coup de chance : il y a encore une file derrière le guichet et je risque de foncer. Comme les Malgaches me laissent passer devant eux (un peu comme si les vazaha avaient un droit de priorité ?), je n'ai plus qu'à faire du gringue à la jolie policière qui me réclame... un euro. Quelques minutes plus tard, je retrouve au carrefour le flic qui n'en croit pas ses yeux, mais... me rend mes papiers. Ouf !
Une dernière journée à Andasibe, au retour, pour constater que... mon vélo a été volé. C'est en tout cas ce que m'avoue Christin. Les trajets à pied entre Mitsinjo et le Feon'ny Ala seront plus lents, mais "à quelque chose malheur est bon", on perçoit mieux l'odeur enivrante des eucalyptus à feuilles qui sentent le citron, près du petit pont sur la rivière. Les indris sont particulièrement matinaux en ce début de décembre, riche en champignons tout au long du sentier didactique de la réserve Analamazaotra. Christin a pris des photos en mon absence et je l'aide à identifier - pour autant qu'on le puisse - quelques-uns des champignons observés : c'est en tout cas bon signe, car cela veut dire qu'il prend des initiatives pour les connaître mieux. Je souhaite que les Malgaches prennent conscience de leur patrimoine fongique, donc j'en suis très content. On met aussi au point le texte (en français et en malgache) qui figurera sur les posters que je ferai réaliser en 2009, grâce à Hainaut Développement, en Belgique.
Il faut rentrer... car St-Nicolas s'annonce, et un papy ne peut rater cela ! Après Moramanga (avec la "nouvelle" voiture de l'association), c'est Tana pour... le souper en famille chez Nary (oui, vous avez bien deviné !) et quelques achats avant le départ : je sais par Christiane au téléphone que l'épaisseur de la couche de neige qui m'attend à Neufchâteau est impressionnante !