2011-Suite
Le matin de notre arrivée, c'est dans de bonnes conditions, en minibus rapide, que nous rejoignons Andasibe dès midi pour le repas au Feon'ny Ala ; Jean de Dieu, Clément, Patrice et Arsène sont toujours là : cette stabilité du personnel de l'hôtel ne trompe pas, c'est que tout le monde y trouve son compte. Nous réservons un chalet 4 places pour l'étape du retour, dix jours plus tard. Sans traîner, nous reprenons la route de Tamatave où Suzanne et Rudolf nous accueillent dans leur grande maison.
Souper dans un resto sur la plage et nuit reposante : il fait très chaud, mais plus frais sur le matin. Avec le taxi-brousse, nous rejoignons Mahambo après avoir acheté une puce pour le téléphone de Raymond, ce qui nous permettra le contact en cas de besoin. Petite note à ce sujet : si les régions rurales sont sous-équipées en routes, distribution d'eau, électricité, écoles, etc., le téléphone portable est répandu partout et permet de rester joignable en pratiquement toute circonstance : quand je suis seul là-bas, Christiane peut me joindre facilement et économiquement (2 min. env. pour 1 €) sur mon téléphone portable avec Skype out, depuis l'ordinateur de la maison ; dans l'autre sens, ce serait ruineux... Faly a loué pour nous un 2ème scooter pour nos amis. La première baignade à la plage des Orchidées est délicieuse, et le souper d'accueil de nos amis Fara et Faly itou.
Pour sa première nuit à Olatra, Raymond n'a pas bien dormi, à cause de la chaleur, et pourtant il a plu beaucoup. On s'organise alors, pour l'intendance et les repas : premières courses au marché ; petits travaux de maison comme à chaque fois que j'arrive ; rencontres, surtout, avec les gens du coin : la doctoresse du dispensaire est ravie de recevoir le guide Vidal français (notices de tous les médicaments) - on a pu amener ce gros volume de 4 kg vu le poids autorisé des bagages pour 4 personnes. Nous avons même pu apporter un panneau solaire portable, grand comme le fond d'une valise. Eric le pêcheur est déjà là pour proposer de l'artisanat local et de la vanille; nos amis (et Christiane pour une partie) ont évidemment l'occasion de rencontrer les 6 familles aidées : Françoise et ses 4 enfants, Jeanne et Stéphanie, Amélie et Vola, Zoe et Mirindra, Antoine et son petit Jean-Claude, ici avec notre amie Fara.
A Sahamalany, Juliette, Raymond et leurs 4 enfants nous reçoivent chaleureusement et nous donnent des fruits qui seront rapidement transformés en confiture.
A la Pirogue, Bernard le patron nous accueille dans le grand salon à ciel ouvert de son établissement de prestige. Nous rencontrons aussi des vazaha, clients de Raoul, qui construit des maisons pour eux. Pour fêter les anniversaires de Brigitte et Paul, des langoustes grillées et en sauce sont idéales pour faire la fête avec nos amis des Orchidées !
Comme il y a de grosses averses chaque nuit, les champignons apparaissent, notamment un gros bolet semblable à notre cèpe bronzé (Boletus aereus), découvert près de la plage des Orchidées.
Balades aussi dans les environs, avec les 2 scooters : à Fénérive pour faire quelques achats plus importants, des ustensiles ménagers entre autres, et, pendant que les femmes vont voir le coin friperie, Raymond et moi faisons connaissance avec un groupe d'enfants près de la salle des fêtes circulaire.
Grande promenade sur la route vers Vavatenina, dans une nature très vallonnée : la route croise une rivière torrentielle et passe par des petits hameaux typiques de la côte est ; c'est un régal au niveau botanique et... il y a même des champignons ! C'est aussi le cas non loin de la maison, sur souches pourrissantes de gros pins : c'est Jacques Aimé, un ancien "chef du Fokontany" (communauté villageoise) qui vient me le signaler : il est énorme et spongieux, faisant penser à notre Meripilus giganteus.
Aujourd'hui, Christiane raconte à sa façon comment nous avons festoyé le dimanche midi, avec nos amis des Orchidées (qui gèrent aussi Ylang Ylang) et de Sahamalany.
Ce midi, on mange du poulet.
Depuis plusieurs jours, deux poulets-bicyclettes (très légèrement entravés) courent dans le jardin, dans l’attente du festin de ce dimanche. Paul les a achetés un peu trop cher au marché… et l’un deux est vraiment maigre : manifestement il s’est fait avoir. On les surveille du coin de l’œil, en se réjouissant de les voir picorer avidement en vue d’un hypothétique engraissement.
Dimanche matin. Brigitte et moi, aux fourneaux dès le matin, attendons l’immolation des bestioles par Donald, grand maître en la matière. Mais l’insouciant Dodo n’est pas pressé, et, alors que pour la 4ème fois on lui demande de passer à l’acte, il se rend compte avec horreur que les deux volatiles ont pris la poudre d’escampette !
Léger malaise chez la vazaha qui se dit que, décidément, ce gardien est cool, beaucoup trop cool. Donald disparaît dans le jardin voisin à la recherche de notre dîner… quand soudainement deux poulets réapparaissent chez nous ! Sont-ce les nôtres ? Il n’y a plus trace d’entrave, mais vu l’heure et l’urgence on s’en f… !
Commence une course héroïque pour attraper les bêtes qui, sentant leur fin prochaine, courent en tous sens, passent les clôtures, s’envolent, piaillent de tous leurs poumons. On court, on encercle, on saute dessus, jusqu’à ce que le valeureux Donald les attrape enfin et les décapite.
Plumer, découper, cuire, le tout entrecoupé d’un bout de messe malgache et d’une réparation de scooter…
Midi. Les invités arrivent, chevauchant les motos de Paul et Raymond, ou à vélo pour le plus courageux. Enfin, à table toute la famille ! Un fumet délicieux s’échappe de la marmite et c’est à peine si on a une pensée émue pour les deux victimes du jour...
Ce repas festif, traditionnel maintenant, un des dimanches de mes séjours, est un grand moment d'amitié belgo-malgache. Les enfants sont évidemment à la fête, avec les boissons sucrées dont ils raffolent, du chocolat de chez nous et, sur l'ordinateur, un film passionnant comme "Magic baskets".
Une visite au CEG voisin donne à nos amis l'occasion de comprendre la situation difficile de l'enseignement ici : il y a 540 élèves en 4ème et 3ème année, pour 5 profs payés par l'Etat malgache et 9 par les parents, qui doivent donc payer pour mettre leurs enfants à l'école. Les classes comptent chacune environ 60 élèves. On a l'occasion d'examiner les programmes de cours, aussi exigeants qu'en Europe mais sans doute difficilement assimilés vu les conditions de travail. A côté du CEG, l'Unicef a financé la construction d'un internat pour une vingtaine de filles : il nous paraît bien trop petit. Il faut ajouter qu'il n'était pas encore occupé début 2012, tant les choses sont lentes au pays du mora mora.
La décision n'a pas traîné, suite à la visite de la maison délabrée, pour ne pas dire pourrie, de Françoise près de la piste principale menant à la plage : il lui fallait travailler 5 jours par mois pour en payer le loyer ! Nous allons donc lui construire quelque chose de neuf et de plus décent dans le fond du jardin de Olatra, ce qui lui permettra de ne plus payer de loyer.
Après 8 jours à Mahambo, il est déjà temps pour Christiane, Brigitte et Raymond de regagner la capitale pour reprendre l'avion deux semaines après leur arrivée. Il y aura étape au bazar be de Tamatave, pour les achats habituels d'artisanat malgache, en compagnie de Fara qui nous a accompagnés et offre, avec émotion, un joli sobika (panier) aux deux dames. Voyage sans histoire en taxi-brousse - ce qui n'est pas le cas pour 3 camions, dont un aperçu au fond d'un ravin, car la route Tamatave-Tana n'est pas de tout repos. Il pleut à verse quand nous arrivons au Feon'ny Ala.
Christin nous guide dans la réserve Analamazaotra et nous donne l'occasion de faire connaissance avec une famille de lémuriens, les fameux Indri indri qui aujourd'hui sont peu farouches, puisque un jeune vient manger, jusque dans sa main, les jeunes pousses rougeâtres de Cryptocaria que lui tend Raymond. Pour atteindre Moramanga, d'où partent des taxis-brousse vers Tana, il nous faut attendre bien longtemps au carrefour avec la RN2, jusqu'à ce que s'arrête... une fourgonnette de type Renault Express : entassés à l'arrière (tôlé!) avec tous les bagages, nous devons acquitter le bakchich aux policiers à l'entrée de la ville, car les pandores veulent retirer son permis de conduire et sa carte grise au chauffeur qui n'est évidemment pas en règle pour ce transport peu commun ! Pour quitter Moramanga au plus vite, un seul truc : acheter 8 places au lieu de 4, ce qui se pratique couramment de la part des étrangers pressés...
Pour terminer leur séjour à Mada, nos amis auront l'occasion de nous accompagner à Arivonimamo, au CEG Abdon, avec Héry, l'épouse de Nary, et Julien, membre de l'association VOARA. Accueil chalereux par la coordinatrice et la Directrice, mais surtout tous les élèves dans leur tablier bleu. Les élèves correspondant avec ceux de l'ISM de Neufchâteau (Belgique) ont été rassemblés avec leurs professeurs dans une classe où a lieu la rencontre. Le matériel offert par les jeunes Belges (ordinateur portable, vidéoprojecteur, etc.) est en place et fonctionne. Discours de bienvenue et questions-réponses à propos de la Belgique et de Madagascar, du partenariat instauré depuis 2008 et des modalités de la communication et des échanges interscolaires initiés.
Avant de reprendre l'avion, nos amis auront l'occasion de découvrir Tana à pied puis de rencontrer la famille de Nary pour un souper amical qui couronne ce bref séjour. Il pleut de nouveau à seaux quand nous rentrons à l'hôtel Shangaï.
Avant de quitter Tana, j'ai pu acheter dans la librairie principale de la Place de l'indépendance, un petit livre remarquable dû à Patricia Rajeriarison et Sylvain Urfer : MADAGASCAR, coll. Idées reçues, éd. Foi & Justice, Antananarivo-Paris, 2010, 127 pp. Les auteurs commentent de façon critique les poncifs véhiculés à propos de "L'île heureuse", comme on la définissait il n'y a pas si longtemps (p. 9). Ils passent en revue l'histoire et la géographie de Mada, le "pays des lémuriens", l'économie et la politique du "pays de la vanille", la culture du "pays où on retourne les morts, du mora mora et du fihavanana", la société de cette "grande destination pour l'écotourisme" mais "où on brûle les forêts". On apprend beaucoup, et je ne peux que recommander, à tous ceux qui préparent un séjour là-bas, cet ouvrage aussi courageux qu'instructif.
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Resté seul pour deux semaines supplémentaires, je commence par travailler quelques heures à Tana avec Mahery, un étudiant malgache rencontré à Andasibe, au mémoire qu'il réalise sur les champignons de là-bas, avant de reprendre un minibus en direction de Mahambo, et la route est longue : il faut compter au moins 8 heures, au lieu de 45 min. en avion, mais le prix du billet varie de 6 euros à un peu plus de 100 euros ; je ne peux m'empêcher de "mettre dans la balance", tant que j'ai la santé, tout ce que je pourrai acheter, avec la différence, pour améliorer la vie de mes amis de Mahambo. Heureusement que j'ai la possibilté de faire halte pour une nuit reposante chez Suzanne et Rudolf à Tamatave. A Olatra, tout est en place dans mon petit paradis, et la THB entamée il y a 5 jours, bien rebouchée, est encore buvable ! Ah que c'est bon quand il fait bien plus chaud qu'à Andasibe et Tana. Coup de fil de Christiane - j'ai expliqué ailleurs qu'elle peut me joindre facilement sur mon téléphone portable - bien rentrée au pays avec nos amis Brigitte et Raymond.
Un des objectifs de cette 2ème partie de séjour est d'initier Felana, la fille aînée (14 ans) de Fara et Faly au maniement de l'ordinateur portable de type notebook que je laisserai en partant : elle a accepté d'en être responsable pour le prêter, quand ce sera nécessaire, à la doctoresse du dispensaire et au CEG. Il faut tout un écolage, notamment au traitement de texte Word et à l'exploitation du contenu de la machine (documents pédagogiques, films, etc.), utilisable avec le panneau solaire portable. Invité officiellement au CEG voisin à assister à une réunion pour la "présentation du Contrat Programme de Réussite Scolaire", avec les délégués des professeurs et des parents, j'apprends pas mal de choses sur la vie de cette école, dont les chiffres d'échecs scolaires sont assez affolants ; c'est à cette réunion que je décide de financer, anticipant l'aide de quelques amis européens, l'installation d'une pompe à main (il n'y a pas ou plutôt plus de point d'eau pour plus de 500 élèves!) et une latrine supplémentaire.
Quand je suis seul à Mahambo, j'apprécie les nombreuses visites de ceux qui viennent "dire bonjour" : je fais du thé, des tartines de confitures pour les enfants (j'achète toujours trop de pain chaque matin, exprès) qui viennent colorier sur la terrasse, avec un tas de crayons de couleur apportés de Belgique, des albums pour garçons et filles : les dessins de princesses de Walt Disney ont autant de succès que les voitures de "Cars" ; c'est l'occasion d'échanger, de montrer les cartes, du monde et de l'Europe où j'habite, qui ornent un grand mur du living, juste à côté de toutes les photos de ceux qui me tiennent à coeur. Mes visiteurs ne sont pas quémandeurs, mais ils acceptent tout ce que je leur propose. Il m'arrive aussi d'être invité et... de ne pas cracher dans l'assiette !
A la saison des fortes pluies, comme c'est le cas normalement en janvier-février, des flaques d'eau se forment dans la maison, là où le toit en ravpounj (feuilles de ravinala séchées et entretressées) manifeste une faiblesse après quelques années. Il faut donc intervenir pour des réparations qui ne tiendront cependant pas longtemps : en pareil cas, l'idéal est de procéder - ce qui sera le cas en fin d'année 2011 - à un remplacement complet de la couverture végétale.
Une journée-type est rythmée par un lever matinal, dès que le soleil surgit à l'horizon, une baignade à la plage de Orchidées (en scooter, il ne me faut que 5 min. par la piste qui passe devant le CEG et le long du terrain de foot), l'achat de baguettes au village ou chez Doris, le petit déjeuner avec souvent l'un ou l'autre invité, l'installation au soleil des petits panneaux solaires des lampes Ikea, le travail de compte rendu de la veille à l'ordinateur, les courses au marché pour les repas à préparer, la vaisselle, une sieste-lecture dans la fraîcheur de la chambre, des démarches, visites et un 2ème bain de mer presque au coucher du soleil, avant le repas du soir; un peu de cinéma (pour les enfants, mais aussi leurs parents !) avant d'aller dormir... souvent avant 21h. On ne s'étonnera pas que les moments choisis pour les deux bains quotidiens coïncident avec ceux de la journée où le soleil n'est pas encore ou plus trop agressif pour le crâne du nageur : il n'est pas commode de nager avec la casquette que j'arbore toute la journée !
Une occupation qui m'a pris beaucoup de temps, 3 ans après l'achat de ma maison, fut d'arriver à obtenir enfin les documents administratifs ultimes concernant le terrain acquis par bail emphytéotique. Les démarches aux Domaines à Fénérive furent longues et pénibles - en fait, j'avais eu beaucoup de chance lors de l'achat, pour le notaire et l'enregistrement - surtout pour les papiers attestant du bornage : j'ai vécu, je l'avoue, des sentiments violents de rage contre une administration tâtillonne dès qu'on ne "crache plus au bassinet " ; ceux qui renâclent le paient chèrement : "Monsieur n'est pas là... revenez la semaine prochaine... ; la photocopieuse est en panne à cause du délestage... ; c'est fermé aujourd'hui pour cause d'inventaire ; le document est sur ma clé USB mais on ne parvient pas à l'ouvrir, etc.). Il y a des moments où il vaut mieux ne pas être armé d'un objet contondant ! Ne pas oublier aussi qu'il fallait des témoins avec moi, du moins c'est ce qu'on m'a dit, pour cosigner les papiers de ce genre : le chef du village et l'adjoint au maire doivent donc se déplacer et il est bon de leur payer le taxi-brousse, sans oublier le reste... Heureusement, les taxis-brousse qui sillonnent la route Tamatave-Fénérive sont nombreux chaque jour et d'un prix inférieur à ce que coûterait le carburant du scooter.
Acheter à Fénérive un vélo pour l'anniversaire de Nény de Sahamalany ne fut pas une mince affaire. Certes, le prix est pour nous très raisonnable (une bonne cinquantaine d'euros), mais la qualité est vraiment discutable : à peine Raymond, venu avec moi choisir l'engin, était-il monté sur le vélo qu'il fallait changer la chambre à air ; j'ai eu en mains celle d'origine, qui se détachait, quand je tirais dessus, comme de la fine pâte à tarte ; Faly m'avait bien prévenu : il faut pratiquement racheter d'office des pièces comme les câbles de frein, etc.
Comme à chaque séjour, je fais un saut chez l'ami Emile à Foulpointe et c'est chaque fois l'occasion d'acheter quelques dizaines de colliers à mes vendeurs habituels sur la plage.
La fin de la construction de l'ossature de la maison de Françoise, dans le fond du jardin, donne lieu comme chez nous à une "fête du bouquet" : on décore le faîte du toit de quelques fleurs et... on boit (le rhum plaît beaucoup aux ouvriers malgaches !); Antoine monte au cocotier près de l'entrée pour en faire tomber sur la pelouse ; on fait flamber des bananes ; le cappuccino et autres douceurs européennes, surtout à base de chocolat, récoltent un franc succès.
Lors du dernier petit déjeuner, avant mon départ, il y toujours beaucoup de monde pour me dire au revoir et... se partager ce qui reste comme vivres dans la cuisine ; le coffre où j'entrepose tout un "brol" sans grande valeur mais bien utile est inventorié et le gardien guette le passage d'un taxi-brousse qu'on arrête, s'il a de la place disponible, en agitant le bras le long de la route juste devant la maison... A Tamatave, j'ai l'occasion, grâce à Suzanne, de rencontrer Anne B., une Belge responsable du bureau du "Program Manager Madagascar Fauna Group", et gestionnaire d'une réserve naturelle sur l'Ile aux Prunes près de Tamatave (c'eût été plaisant de pouvoir y jeter un coup d'oeil...) ; je lui donne la brochure "Olatra - Champignons d'Andasibe" et le scan des deux posters didactiques. Je n'aurai malheureusement pas de nouvelles après cette brève rencontre, et j'ai failli rater le bus de nuit pour la capitale en raison des embouteillages à l'heure de pointe. Or, m'y attendait la famille de Fara et Faly qui m'invitaient à un mariage dans leur famille à Tana : nouvelle expérience enrichissante pour connaître plus en profondeur un pays fascinant.
Une cérémonie de mariage à Mada peut étonner un vazaha : le mariage civil est prévu à 9h, mais on n'entrera dans la mairie qu'à 10h30' ; le mariage religieux sera retardé d'autant et durera jusque 14h ; plein d'humour, le prêtre m'invite à dire un mot en français, au moment du Notre Père. Les invités à la noce ont l'estomac dans les talons quand on arrive à la salle de réception. Un animateur professionnel, - qui a déjà pris la parole à la mairie et à la fin de la messe - raconte sans fin, tandis que les deux mariés sont sur un podium, isolés du reste de la noce, avec sous leurs yeux le gâteau prévu pour les... 250 convives. Il faut savoir que les Malgaches sont prêts à dépenser des années d'économie pour une fête de mariage ! Il ne me reste plus qu'à récupérer de Nary les lettres et petits cadeaux des élèves du CEG Abdon à Arivonimamo à l'Auberge du Cheval Blanc toute proche de l'aéroport d'Ivato : cette proximité est bien pratique quand il faut être à l'enregistrement des bagages pour 5h30'. J'aurai la chance de faire le voyage de retour vers Paris en compagnie de la belle-soeur d'un membre de l'association VOARA qui rentre en France où elle habite maintenant : elle me confie avoir écrit une cinquantaine de pages à distribuer à sa nombreuse famille malgache afin de leur expliquer les différences entre la mentalité des vazaha et celle des Malgaches. Grâce à elle, je serai bien à temps à la gare de l'Est pour rentrer dans la nuit par le train, car Christiane a repris la voiture il y a deux semaines, avec nos amis Brigitte et Raymond.
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Mon 14ème séjour à Mada a lieu du 13 mai au 4 juin. Grosse surprise à Orly : le vol de Corsair est postposé de 24 heures et je n'ai pas pu être prévenu à temps avant mon départ de Neufchâteau. Je suis logé et nourri par la compagnie aérienne à l'hôtel Ibis de l'aéroport. A Ivato, la navette de l'aéroport (10.000 Ar.) m'amène à la gare de Tana (rénovée, pleine de boutiques de luxe) où Nary me récupère et me reçoit chez lui pour le lunch. Déposé par ses bons soins à la station des bus Vatsy, j'arrive en pleine nuit chez Suzanne et Rudolf qui me permettent une nouvelle fois de me reposer avant d'arriver, en leur compagnie et dans leur camionnette, à Mahambo qui est un village qui leur plaît beaucoup et où ils souhaiteraient avoir un pied à terre. Nous mangeons à midi au Vanilla café, qui sert un excellent menu pour 11.000 Ar. (crudités, poisson à la vanille et salade de fruits frais).
Pour le petit déjeuner, j'apporte chaque fois un pot de confiture de la maison, avec des fruits qu'on ne trouve pas ici (groseilles rouges, framboises, myrtilles) et que je peux faire découvrir à mes amis de Mahambo, mais aussi du fromage en tranches emballées individuellement et qui résisteront à la chaleur, une fois entreposées dans un sac thermo, lui-même dans ma "chambre froide" (c'est ainsi que j'appelle humoristiquement le réduit entre les deux chambres du rez).
La maison du jardin, donnant sur le chemin du CEG, est maintenant terminée et occupée par Françoise et sa nombreuse famille : Paul Rabesolo (15), Norosao (13), Mamymarinette (10), Kamisy (8) et Evariste (6). Sans oublier Arliny (2), dont la grand-mère, comme c'est fréquent ici, a la garde. Il faut les équiper à présent : fourchettes, bassin, poêle, etc. Raoul acceptera d'engager de temps en temps la maman comme journalière pour du jardinage.
A chaque séjour, il faut aussi que j'achète tout de suite pour mon "ménage" tous les ingrédients de première nécessité, car il n'y a plus rien quand j'arrive : sel, poivre, riz, charbon de bois (c'est le gardien Donald qui s'occupe du riz quotidien), huile, etc. Pour qui aime le poisson, on en trouve en abondance, frais du jour - comment le garder sans électricité donc sans frigo ? - ou salé pour la conservation, comme l'utilisent volontiers les Malgaches. Les gros poissons sont plus chers, mais les petits (5.000 Ar. le kg) sont à mon sens plus savoureux, grillés surtout. J'apporte de Belgique de la mayonnaise en tube qui fait merveille en accompagnement et qu'apprécient beaucoup mes invités ! Des oeufs sont toujours disponibles dans les boutiques au centre du village et des vendeurs de volailles (vivantes, évidemment) présents chaque matin aux abords de la halle du marché. On peut chaque jour acheter des légumes frais, sans doute bio et excellents de goût : haricots verts, oignons, pommes de terre, tomates, etc. Pour un amateur de carottes crues, c'est le pied ! Ah, les plaisirs simples... Connaissez-vous les achards, de papaye par exemple ? il s'agit de légumes crus préparés avec des épices et du vinaigre, délicieux en accompagnement du riz et du poisson. Et pour l'apéritif avant ? J'aime surtout, quand il fait très chaud, une cuiller à soupe de pastis - on en trouve dans les deux principales épiceries de Mahambo - dans un verre d'Eau Vive, ou un jus naturel de fruits pressés allongés d'eau (oranges, mandarines, corossol, grenadelles, etc.) avec un filet de whisky, disponible ici aussi, comme le rhum en bouteille ou en vrac ; ce dernier me sert aussi pour relever le "lait" des cocos du jardin et flamber des bananes qu'on trouve en abondance toute l'année, chez Suzy ma voisine de l'autre côté de la route (100 Ar. pour 3). La bière est bonne (2.000 Ar. pour 66 cl) et les bouteilles sont scrupuleusement consignées, comme les sodas en litres de verre, mais on trouve des grandes bouteilles de coca en plastique : c'est pratiquement le même prix qu'en Europe, donc cher pour les Malgaches qui en sont très friands, les adultes autant que les enfants. Comme dans un resto chez nous, les boissons sont proportionnellement plus chères que la nourriture...
Raoul et Santa sont très accueillants : à chacun de mes séjours, ils m'invitent à un repas où j'ai toujours l'occasion de rencontrer d'autres vazaha, de leur famille ou de leurs clients, car Raoul est en train de construire, tout près des Orchidées, tout un lotissement de belles maisons qui finiront par former une sorte de "village de vacances" dans un environnement arboré et fleuri de qualité. Nous avons toujours des conversations très enrichissantes où nous partageons nos impressions malgaches sur différents aspects de la mentalité de ce pays. Sans oublier le plaisir de déguster un plat créole en caressant un petit lémurien apprivoisé...
Petite anecdote : un matin, alors que je suis dans l'océan indien à 7h pile, un gros 4x4 ronronne devant le bungalow des Orchidées le plus proche de la plage (c'est-à-dire moins de 10 mètres !). Quand je sors de l'eau, rien n'a changé et je m'avance, avec une ironie un peu effrontée, j'en conviens : "Vous avez de la chance, Monsieur, qu'à Mada le carburant est gratuit, alors que la planète est préoccupée par le problème du CO2 !". On me répond que c'est pour la clim et la glacière ; évidemment, le pastis avec glaçons, c'est mieux... Comment lutter contre l'égoïsme ?
Au centre du village, un attroupement... pour un décès : quand quelqu'un meurt ici, tous les gens du village viennent manifester leur solidarité aux proches, même s'il ne sont pas de la famille. Il est de coutume de laisser un peu d'argent pour aider aux frais des funérailles. Chaque fois que je le peux, je m'associe à ce geste : je ne suis plus un touriste, mais un habitant de Mahambo ! Au CEG, les deux nouvelles latrines construites par Faly sont inutilisables proprement : devançant mon désir, la Commune a pris l'initiative d'installer une petite pompe, mais Mr Edmond le Directeur m'avoue qu'elle ne fonctionne pas car on a creusé trop peu profondément.
Avec l'aide de Fara (qui ira chercher une autre pompe à Tamatave) et Faly (qui embauchera deux de ses hommes, Antoine et Thomas), un puits profond est creusé et une nouvelle pompe installée : j'aurai le plaisir de la voir fonctionner avant mon départ.
Je ne peux décemment pas vous montrer la photo de l'état des anciennes latrines qui seront, j'espère, "réhabilitées" grâce à la pompe ; avec un seau, pour aller chercher l'eau de rinçage à la pompe située à une trentaine de mètres, et une brosse de WC, les professeurs et les élèves disposeront de toilettes propres, s'ils les entretiennent bien : c'est toute une éducation à l'hygiène et au civisme dont les responsables de l'école devront assurer le suivi.
Souvent, j'ai l'occasion de prendre conscience de la précarité de la vie matérielle ici, par exemple quand l'alimentation-secteur de mon petit ordinateur est grillée (sans doute à cause d'une fausse manoeuvre ou d'une surchauffe due au convertisseur 12V-220V), ou encore quand j'ai des petits problèmes de santé (la tourista, cela arrive ici aussi !) ; chaque fois aussi, j'ai expérimenté le sens de la solidarité des gens confrontés à des conditions de vie plus aléatoires que dans nos pays "riches", au point de penser que celle-ci compense d'une certaine manière les difficultés de la vie au quotidien. J'idéalise sans doute le tableau, ou alors c'est que j'ai de vrais amis à Mahambo...
A l'invitation du mari de la doctoresse du dispensaire local, je suis allé visiter à Fénérive le cours privé Kanty, dont José est Directeur. Encore une nouvelle expérience de rencontre avec les élèves d'une autre école de la région. Ils ne sont pas logés luxueusement, y compris le principal responsable dans son bureau, et les besoins de l'école existent à tous niveaux ; ainsi, une élève tient à me dire qu'elle aimerait que l'école ait une bibliothèque. Je me souviens avoir un jour porté au parc à conteneurs des centaines de manuels scolaires jugés "obsolètes", que nous avions jetés lors d'un aménagement des locaux de l'école où j'ai passé ma vie professionnelle : quelle tristesse de penser qu'ils auraient sans doute fait le bonheur d'une école ici... si le transport et les "taxes" ne coûtaient pas plus cher que la valeur de ces livres scolaires ! Il faut sans doute plutôt penser à un vidéoprojecteur (il y a ici l'électricité) et à des documents pédagogiques numérisés. Mon ancienne école étant déjà en partenariat avec celle d'Arivonimamo, il faudrait trouver d'autres volontaires pour des échanges et une aide matérielle.
A Tamatave, à 90 km au sud de Mahambo, on peut trouver pratiquement tout : c'est le principal port du pays et une grosse ville, sans doute la 2ème plus peuplée de Madagascar. Au grand magasin Score, toutes les tentations alimentaires de l'Europe sont dans les rayons, mais pratiquement aux mêmes prix qu'ici ; au fameux Bazar be, on trouve tous les produits malgaches (artisanat, meubles, légumes et fruits frais, épices, etc.) mais aussi des tas de produits manufacturés en Asie sans doute, y compris des contrefaçons "tombées du camion". Ainsi, les faux parfums et eaux de toilette proposés par de multiples petits vendeurs se reconnaissent aisément... à leur prix ridiculement bas.
Une bonne partie du jardin, envahie essentiellement par de hautes fougères - le naturaliste naïf que je suis voulait voir ce que deviendrait toute une zone laissée à l'état sauvage, donc sans entretien - est défrichée par Antoine, en échange de matériaux pour sa maison. Je propose à Françoise et à ses enfants d'y cultiver du riz et des légumes dont ils profiteront au fil des jours.
Fin mai, c'est la "fête sportive" au CEG de Mahambo. Quand les Malgaches font la fête, ils sont increvables : cela dure plusieurs jours... et nuits, dans la tonitruance de discours inlassables, de cérémonies religieuses interminables, de musiques lancinantes (j'ai même dû fermer les volets pendant la nuit). Pourtant, sans doute la température plus fraîche y contribue-t-elle, je me sens ce matin bien reposé, calme et détendu, globalement heureux dans un univers agréable et familier, une solitude "habitée"... par un livre extraordinaire de Frédéric Lenoir : "Le Christ philosophe". Le terrain de foot est noir de monde quand je pars à la mer. A la maison, deux hommes de Faly sont là pour remplacer le ravinala du toit là où il est dégradé : ce sont de véritables acrobates et ils me donnent le vertige ! Les prises de courant de la maison sont squattées par les téléphones portables (mon panneau solaire est une aubaine !). Difficile de se reposer en compagnie de F. Lenoir dans un tel "bordel" : la maison est sens dessus dessous à cause de ces travaux de réparation, sans oublier Arsène qui est passé dire bonjour et les 6 enfants qui dessinent sur la terrasse ou jouent dans le sable au pied des escaliers : une pelle et quelques moules en plastique font merveille ici, point n'est besoin de console Wii... Pour les adultes le soir, "Danse-avec-les-loups" est un film remarquable qui exalte l'amitié entre en Blanc et des Indiens. Je crois que mon gardien Donald a fort apprécié.
Après de nouvelles fortes pluies nocturnes, je me rends compte que les réparations au toit n'ont pratiquement servi à rien : il faudra remplacer entièrement la couverture en feuilles de ravinala. Avant de partir, je donne, comme chaque fois, les lampes Ikea à panneaux solaires ; Antoine, qui a creusé le puits et défriché le fond du jardin, en reçoit une dont toute la famille profitera, y compris le petit Jean-Claude qui est au nombre des enfants que j'aide pour leur scolarité. Leodivine, la petite-fille de Marguerite, très motivée pour l'école, en tirera le meilleur profit aussi.
Nary vient courageusement me chercher à la station des bus Vatsy à 6h30' (le bus est arrivé à 2h du matin, et il fait froid ici) après un trajet Tamatave-Tana sans histoire, où je rencontre une Malgache ingénieure en hydrobiologie : elle parle parfaitement le français et est d'un niveau très cultivé (elle a fait 5 ans d'études au Québec!) ; elle travaille à Madagascar Oil qui prospecte sur la côte ouest ; je ne suis pas étonné qu'elle soit partisane du libéralisme-capitalisme et donc de l'ancien président M. Ravalomana ; elle manifeste en tout cas beaucoup d'esprit critique en ce qui concerne la mentalité de ses concitoyens : j'ai l'impression de voir les choses bien plus positivement qu'elle ! Il me reste à utiliser mon crédit de téléphone - qui serait perdu après 3 mois de non-utilisation - pour dire que tout va bien, misaotra et veloma à mes amis de Mahambo...
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C'est le 9 novembre 2011 que j'ai remis le cap sur Mada, pour la 15ème fois. Ce séjour fut le plus difficile en raison d'un problème de santé qui l'a rendu pénible. Tout avait commencé durement : à la suite d'une coupure de l'autoroute avant Paris, j'ai dû décider, pour ne pas rater l'avion, de me garer en catastrophe dans un parking souterrain à Orly. Heureusement, mon ami René a pu récupérer mon véhicule deux jours plus tard... A Tana, après avoir rencontré rapidement Héry et Nary pour leur remettre le colis des élèves belges pour leurs correspondants malgaches, je dois attendre plus de 6 heures, dans l'ambiance torride de la station de taxis-brousse, que celui où mes bagages sont installés sur le toit daigne enfin s'ébranler. Il faut en effet se méfier comme de la peste des promesses des chauffeurs qui vous assurent que leur véhicule "va partir dans moins d'une demi-heure". Il sera trop tard pour m'arrêter, comme je l'avais prévu, à Andasibe, d'autant plus que le véhicule de l'association Mitsinjo, avec lequel Christin devait venir me chercher en début de soirée - pas à 23h30', car le chauffeur s'est arrêté pour manger 50 km après la sortie de Tana - au carrefour de la RN2 près de la gargote Sitraka, est en panne... Je prends donc la décision de rester dans le minibus jusque Tamatave où nous arrivons à 4h du matin. Mes bagages seront tellement violentés dans le taxi-brousse vers Fénérive que je devrai acheter une nouvelle valise à Mahambo : celle-ci ne tiendra que le temps du voyage de retour ! Quand je déballe mes affaires, c'est pour constater que mon pot de confiture du pays a coulé sur les habits... Arrivé dans ma maison à 7h30', je découvre que 3 ouvriers sont en train de remplacer la couverture du toit. Fara et Faly m'expliquent pourquoi ils ne sont plus aux Orchidées mais maintenant uniquement à Ylang Ylang, pour la partie hôtellerie : c'est là que je récupère mon petit scooter rouge... qui se traîne en chemin. Il n'y a plus de détendeur sur la bouteille de gaz et la batterie couplée au panneau solaire est si faible - j'aurais dû avoir la puce à l'oreille quand Fara m'a donné des bougies, en me confiant que la pompe du CEG est en panne et qu'elle irait le lendemain à Tamatave chercher une pièce pour la réparer - que l'ampoule du soir s'éteindra après quelques minutes... Haut les coeurs !
Une bonne nouvelle : j'obtiens des nouveaux gérants des Orchidées, Frédéric et sa compagne malgache Mavo, l'autorisation de continuer à venir me baigner deux fois par jour à ma plage favorite. Faly a fait remplacer à Fénérive la courroie du scooter, qui a retrouvé une nouvelle jeunesse. Il a aussi racheté une nouvelle batterie qui "pète le feu de Dieu". Comme toujours à Mada, tout s'arrange au bout d'un temps et je peux commencer à donner un petit cours de français aux deux aînés de Françoise, Paul Rabesolo et Mamymarinette - Norosao, qui n'a que 14 ans, a abandonné l'école et est partie rejoindre sa soeur pour travailler avec elle dans un établissement de location de quads. Agréable constat : Françoise et ses enfants ont bien rentabilisé toute la partie du jardin qui jouxte leur maison : il y a du riz, du maïs, des brèdes, des ananas et du taro (sonj en malgache). Au repas du soir, je retrouve avec plaisir Jeanne et Stéphanie, en bonne forme toutes les deux. Avec un mini-vidéoprojecteur, le premier épisode de la 1ère saison de "Dr House", projeté sur le mur du living, les impressionne beaucoup...
Plusieurs jours durant, le sol de la maison et de la terrasse seront envahis des débris du ravinala enlevé pour être remplacé par du nouveau. Les prix ont flambé depuis mon séjour de mai, aussi bien le pain (passé de 300 à 400 Ar.) que le charbon de bois (passé de 3.000 à 4.000 Ar. le sac... et faut aller le chercher en scooter, maintenant à 7 km de chez moi). Il pleut tellement qu'on passe beaucoup de temps à éponger dans la maison... Un plaisir à signaler tout de même : pour le dessert, il suffit de se lever et d'arracher des bananes au régime qui pend dans la salle à manger et qui vient de mon jardin... Nancia, de la famille d'Eric le pêcheur, n'a plus de travail pour le moment et accepte volontiers que je l'embauche pour m'aider à préparer l'habituel repas de fête du dimanche midi. Le soir, "Robin des bois" de Walt Disney a beaucoup de succès, autant chez les grands enfants que chez les plus jeunes.
Quelques nouvelles au fil des jours : il y a des travaux à faire à la maison de Zoe et Mirindra, la lampe Ikea de Sahamalany est tombée dans le feu et a fondu, Mr Edmond le directeur du CEG est parti à Fénérive et a été remplacé par Mr Charles, achats divers au marché local pour la famille de Françoise, petite promenade à pied sur la route vers Fénérive, pour saluer Marguerite : aïe, c'est sans doute alors que j'ai attrapé l'insolation-déshydratation que je vais payer cash les jours suivants. Pendant la nuit, une brusque poussée de forte fièvre me fait trembler comme une feuille au vent. Doliprane et Efferalgan sont sans effet et mes amis Malgaches pensent que je fais une crise de malaria. Le test réalisé au dispensaire est pourtant négatif (parce que je prends un comprimé de Malarone chaque matin ?). 5 jours d'antibiotiques, de toute façon. Constatations positives : au jardin, Mamymarinette bêche un carré pour y mettre les graines que Raoul m'a données ; Mr Charles passe dire bonjour et me paraît très sympa et collaborant. Je vais passer de longs moments au lit, sans appétit et en buvant des litres d'eau. Il vaut la peine que je recopie telles quelles les notes prises concernant ma journée du 18 novembre, que j'ai intitulée : "la journée où rien ne va". Comme je n'ai guère de photos cette fois, en voici le copier-coller :
- Bruit perpétuel dans la maison + musique malgache lancinante de Donald… qui ne fait rien, sinon, assis sur la balustrade de la mezzanine ou celle de la terrasse, rigoler (et distraire !) les ouvriers qui achèvent le toit. Je pète un câble et l'empointe : « tu ferais mieux d’apprendre un métier, comme je te l'ai déjà dit tant de fois !» ;
- Nanasse, l’ouvrier de Faly, m’annonce que la pompe au CEG ne peut pas bien fonctionner car le bras n’est pas perpendiculaire au conduit avec le joint ;
- En rentrant du CEG, où on est allés constater le fait ensemble, le kick du scooter me reste dans les mains. Impossible de réparer à la maison…
- De toute façon, incapable de me déplacer seul, je vais faire les courses de ménage avec Faly, dont la vieille Peugeot tombe en passe d’essence 100 mètres après la maison !
Au lit sans souper. Très amicalement, Fara arrive (il est près de 22h !), avec les enfants et du paracétamol ; elle se propose pour passer la nuit dans la chambre d’amis, afin que je ne sois pas tout seul. Je l'assure que cela ira et qu’elle peut rentrer avec sa famille, mais que j’apprécie beaucoup son intention. Ah, la belle chose que l'amitié !
Ce dimanche, j'avais prévu de recevoir mon ami Emile de Foulpointe, et je ne l'ai pas décommandé, pour conjurer le sort. Heureusement, Nancia est là pour prendre en mains la préparation du repas de midi. Tout est excellent et je tiens le coup : il y a tant de choses à raconter ! Petit à petit, je reprends pied et les derniers jours s'écoulent plus paisiblement : plaisir de participer à la robe, pour la fête de Noël, de Leodivine ; elle pose ici pour vous la montrer, au retour de chez la couturière du village, et vous apercevez derrière elle le mur du living avec les cartes de géographie et les photos qui le décorent.
Moins agréable sera la piqûre au pied d'un scolopendre dérangé dans la cuisine, le soir : heureusement, cela ne gonfle pas comme Faly s'y attendait - il est allé chercher en vitesse un antidote local, une infusion de scolopendres morts dans un bocal avec un mix d'alcool où ils ont dû cracher leur venin... Grâce à l'ouië fine de Marguerite, j'échappe à un incendie : elle a entendu un grésillement venant d'un soquet sans ampoule, attaché à une poutre de la terrasse : le fil a brûlé...
On fait le nécessaire pour amener chez Zoe, la maman de Mirindra, les matériaux nécessaires aux réparations vraiment urgentes à sa maison : elle est ici avec sa maman, Todisoa, qui est aussi celle d'Antoine, ici avec son épouse Marcelline, parents du petit Jean-Claude, et Claire la grand-mère. Sur la terrasse chez moi, la petite Vola avec sa maman Amélie.
Bons contacts, encore une fois, avec le nouveau Directeur du CEG, tandis que mes relations avec Donald sont refroidies par son peu de sollicitude quand j'étais malade ; en fait, il en prend maintenant tellement à l'aise que je ne me sens plus vraiment chez moi ; tout lui semble dû. On me l'avait prédit : j'ai sans doute eu tort de le traiter amicalement, presque comme si c'était mon fils, alors qu'il est gardien-employé, inscrit officiellement dans le registre communal et rémunéré correctement, y compris en mon absence, depuis bientôt 4 ans. Des amis de Faly, rencontrés à Ylang Ylang, m'ont aidé à réfléchir : je dois être plus ferme, car il n'est pas écrit "canard sauvage" sur mon front...
Avant mon départ, j'envisage avec Faly des travaux au sous-bassement de la maison : habillage et aménagement d'une porte pour pouvoir y rentrer le scooter, au lieu de le monter chaque soir dans le living; la balustrade de la terrasse nécessite aussi des réparations, et on pourrait supprimer le petit escalier de côté, car il est pourri (ici, vu le climat humide, la corrosion des matériaux est rapide !). Donald est prévenu : il doit changer d'attitude. Le dernier dimanche de novembre, je ne me sens pas encore capable d'organiser chez moi le repas traditionnel avec la famille de Sahamalany, et c'est à Ylang Ylang qu'on fera la fête, avec l'aide efficace de Marcelline et Nancia.
C'est en taxi-brousse plutôt qu'en scooter que j'irai passer une journée, comme d'habitude, avec Emile à Foulpointe, où je peux de nouveau faire provision de colliers après un bon plat au "Gentil Pêcheur". A mon retour, j'apprendrai qu'une jeune fille de 16 ans est décédée au CEG lors du cours de gymnastique. C'est à l'occasion d'une visite à la famille (manquée, d'ailleurs) qu'un incident grave à mes yeux me fait prendre la décision de donner son congé à mon gardien Donald. Ma dernière nuit me confortera dans cette décision : vers une heure du matin, je suis réveillé par un léger bruit venant de l'extérieur à la hauteur de ma fenêtre restée ouverte (il fait si chaud !) : on a placé une échelle contre le mur ; je me lève brutalement et la repousse dans le jardin, comme dans les films où on assiste à l'assaut de remparts de villes au moyen âge... après avoir rentré l'objet du délit, pièce à conviction, je ne dors plus que d'un oeil, malgré les volets clos. Très tôt le lendemain matin, deux heures avant de quitter, je change la serrure de la maison et donne à Donald - 4 cambriolages en 4 ans, c'est trop ! - trois mois de salaire correspondant au préavis légal. Comme il vaut mieux être prudent vu ce qui s'est passé, Faly emporte tout dans son pick-up, matelas et vaisselle compris, pendant mes derniers préparatifs. Mes "admiratrices" étant là pour me réconforter, le moral est quand même OK.
C'est la saison des girofles, et tous les taxis-brousse vers Tamatave sont complets. Il faut aller jusque Fénérive pour en prendre un. J'arriverai juste à temps à l'aéroport de Tamatave pour attraper le vol réservé grâce à Nary : même en faisant escale par l'île de Ste-Marie, je suis à Tana dans l'après-midi. Excellent repas et bonne nuit chez Héry et Nary. Christiane sera ce soir à Orly, avec l'ami René. Allons, cela ne pourra aller que mieux la prochaine fois...